Sûr qu’un temps de chien ne réveille pas les morts.
C’est une chance aujourd’hui. Imaginez les sortir des tombes. Comme j’aimerais
voir la tronche des gens qui prient… Attention, je crois que ça me ferait
jouir. Criant, pourchassés par des fantômes qui leur feraient bouffer la terre
à leur place. Vous verriez, ce nid de vipères pousser des petits cris de
moineaux écervelés vers le ciel, suppliant pour ce qu’ils n’ont jamais
eu : la vie. Puis ça changerait.
Oh la je m’ennuie et en plus je suis trop à l’étroit
dans ce costume. Silence et tiens toi bien !
Je pourrais faire les questions et les réponses
tellement je les connais. Visages d’acier va ! Qu’elle est sérieuse,
ah ! Elle est belle la famille ! Faut dire qu’ils tirent tous une
sale gueule d’enterrement. Oui, je vous ai pas dit, c’était son heure. Après
tout un train n’est pas un autre. Chacun, sans doute, a ses raisons propres et
indéniables. Mais à y réfléchir, moins égoïste, on aurait quand même pu choisir
le printemps comme saison, je crois que tout le monde se serait arrangé pour
être là. Non, ici il a fallu que ce soit l’automne et aucun des organisateurs
semble bien sûr, avoir écouter la météo. Voilà pourquoi tous les parapluies et
les mouchoirs sont rassemblés autour d’une fosse bien boueuse. C’est vraiment
pas la fête. Et dire qu’on va y jeter des chrysanthèmes. Non, franchement,
vivement le buffet sandwich. J’espère qu’ils ont pensé à la bière.
Bon d’accord, je devrais pas dire que cette famille
n’a pas l’air triste. Mais faut pas me la faire à moi. On dit que l’air ne fait
pas la chanson. Et bien heureusement parce que je vous jure que ces gens là
chantent comme des pieds. N’écoutez que l’alléluia et vous comprendrez. On n’a
pas idée d’être aussi mauvais. Quelle misère ! Je les aurais préférés
muets ; comme ça au moins je ne devrait pas supporter leurs gémissements,
là, maintenant. Je leur dirais bien de ne pas s’inquiéter, évidemment, il y
passeront eux aussi, un jour. Mais avez-vous déjà vu des bourreaux avec des
mines de chiens battus ? Ils font la moue comme pour avoir un sucre.
Pourtant la veille ils grognaient comme d’habitude. Certains visages en pleurs
sont à vomir, quand le souvenir qu’ils vous évoquent peut vous donner le goût
du meurtre. Oh ça va, d’accord… La mort interdit-elle l’humour ? Et si
c’était ça l’antidote. Tout de même, ils ne valent même pas qu’on les tuent.
Ils m’indiffèrent, sauf un détail : du chien enragé, ils ont l’odeur.
J’assure que rien ne doit s’améliorer sous cette pluie, que du contraire :
ils empestent, sans aucun doute.
Oh et puis ce puceau de prêtre ! Vous savez
pourquoi il s’est fait prêtre ? J’ai eu du mal à le croire mais maintenant
j’en suis sure, c’est né d’un complexe. Je le sais parce que c’est la maîtresse
qui me la dit. ( Elle est jolie ma maîtresse en noir, avec ses jouent rouges.
Paraît qu’elle n’a que 26 ans.) Elle l’a vu nu et il n’ a qu’un testicule.
C’est fou quand même, il y a toujours une raison à tout. La dévotion tombe pas
du ciel. C’est pas cette pauvre messe qui va m’apprendre grand chose.
Tenez par exemple, vous savez bien sure que si vous
pendez du linge, c’est difficile sans une corde tendue ! Il faut deux
piquets aussi pour tenir la corde. Et bien voilà, quand il manque les deux
piquets. Le linge propre en boule ça ne sèche pas. Tellement humide et
seulement une corde. Que faire ?
Il a fallu qu’il se pende tout seul le petit. Pauvre
gamin va !
Après les compliments altruistes vient l’heure
des intentions, bien sûr très humanistes et toujours bornées de rose bonbon.
« Bouches en cul de poule ! Robots débiles ! » Mais ne
m’écoutez pas surtout, je ne sais pas de quoi on parle ! Je ne peux pas
tout comprendre.
J’ai bien toute ma tête, mais ça ne les intéresse pas.
J’ai la console de jeu dans ma poche. « Sympa, frangin .» Je peux
même pas m’en servir. C’est une question de respect m’a-t-il dit, cela te
revient. Toute cette plaisanterie ne vaut sûrement pas une bonne course de
voitures. Et oui, je peux tuer qui je veux quand je veux ou même jouer au
foot en mangeant une pizza sans que personne ne m’agace, en temps normal. Je
mangerais bien une pizza, une bonne pizza avec une pâte fine et croustillante
cuite au feu de bois. J’adore la quatre fromages. Je ne sens plus rien tellement
tout a le goût de l’eau ici.
Allez, c’est partis pour un Notre
Père maintenant. Attention, prêts, et…, tous en pleurs !
Vous savez, ça ne m’aide vraiment pas les
copains. Je savais pas, et puis le pire c’est que je l’ai fait pour vous.
Arrêtez de gémir et allez plutôt boire un pot. En plus vous êtes tous là, et
pourquoi elle pleure tellement Elisabeth ?
C’est moi qui rêve ou c’est eux. Vu leurs têtes, je me
demande qui est le plus à plaindre. Oh la, tiens, ça descend. C’est un cercueil
en bois blanc qui est censé ne jamais se dégrader. Pour un moment si pénible
franchement, mes vieux ont investis toutes leurs économies. Ils auraient mieux
fait de s’offrir un billard. Et bien, dites donc, c’est un profond mystère
après la vie. Le plus comique c’est que, d’abord, on vous couvre de fleurs et
puis on vous jette de la terre par grosses pelletées. Mais, ils ne savent pas
que je ne suis pas dans le trou, évidemment non, puisqu’ils ne me voient pas.
Je me trouve dans l’arbre. D’ici je surplombe toute la scène. Après tout, je
m’en fous, demain ; j’irai pas à l’école.
A peine seize années, Justin.