Mathieu D'HERBES, Atelier de Scénario - 2ème année, Professeur Serge Dzwonek

BATINIS
Les Gens du Secret

Continuité


« Sa cible, c’est vous. Son arme, c’est votre peur. »

 

 

Générique

 

Au dernier étage d’un vieil immeuble parisien se trouve un pigeonnier. Le parquet pourri est souillé par le guano. Un homme libère un pigeon ouvre la lucarne et le laisse partir. Le pigeon vole, se repose le soir et arrive dans une grande ville le lendemain, où il entre dans un immeuble.

 

Partie I - J zéro

 

Un serviteur marche dans les somptueux couloirs d’un Palais présidentiel, un plateau couvert à la main. Il arrive dans une salle richement meublée où une équipe de tournage filme. Il enjambe de nombreux câbles sur le sol, échange un regard avec un caméraman et continue à parcourir le Palais. Il frappe à une grande porte à double battant avant de s’annoncer. Une réponse étouffée par l’épaisseur des portes lui enjoint d’entrer.

Le Président de la République est assis à son bureau, en train de compulser un dossier. Deux gardes en faction se tiennent de part et d’autre de la porte (ils seront appelés gardes-traîtres par la suite). L’un des gardes-traîtres ferme la porte, le serviteur dépose son plateau sur le bureau et soulève le couvercle.

Le caméraman s’excuse auprès de son équipe et annonce qu’il revient dans une minute. Il suit le même chemin que le serviteur.

Le serviteur se saisit d’un couteau sur le plateau et le plaque contre la gorge du Président. Les deux gardes-traîtres ne réagissent pas. Le Président leur ordonne de faire quelque chose. Des coups résonnent contre la lourde porte à un rythme particulier, sous-entendant une sorte de code tacite. Un garde ouvre, le caméraman entre et ne parait pas surpris. Les gardes-traîtres ferment la porte et vont se poster dans le couloir. Le caméraman parle dans un micro fixé à son col de veste, annonçant que tout est en place.

Dans un studio de télévision, un technicien met en route un programme. Il répond au caméraman en lui disant qu’ils sont à l’antenne.

 

Dans la cuisine d’une luxueuse villa, un homme, le RICHE, prend son dîner tandis que sa femme, La FEMME DU RICHE, lui raconte sa journée. L’APPRENTI, leur fils, les rejoint dans la cuisine et se fait une collation. Le FILS DU RICHE, le petit dernier, appelle sa mère depuis le salon. Elle y va, puis crie à son mari de venir voir. LE RICHE et l’APPRENTI vont dans le salon. La FEMME DU RICHE demande au FILS DU RICHE de sortir.

L’image du serviteur pressant son couteau contre la gorge du Président est retransmise à la télé.

Au Palais, le serviteur égorge sans états d’âme le Président.

 

Plusieurs Gardes Républicains du 1er régiment d’infanterie au repos sont dans leur caserne, devant la télé dans la pièce détente. Ils se lèvent en trombe en découvrant les images. Ils sortent de la caserne en courant et traversent la cour intérieure du Palais présidentiel. Ils hurlent aux patrouilles présentes de venir.

Le serviteur commence à faire une longue déclaration. Il annonce entre autre qu’il fait partie d’une organisation descendant directement des Batinis ; qu’un ordre nouveau est sur le point de naître pour le bonheur de tous ; qu’il ne faut pas les sous-estimer et que leurs membres sont implantés partout à l’insu de tous ; il termine par une mise en garde aux autres pays en leur ordonnant de rester neutre  sous peine de subir des représailles similaires et en menaçant quiconque souhaiterait remplacer le défunt Président que le même sort lui serait réservé.

 

Dans un salon affreusement désordonné et appartenant visiblement à un homme célibataire, DOUBLE-JEU est en train de tailler amoureusement un bonsaï. Il écoute d’une oreille distraite le discours du serviteur à la télé. Il n’a aucune réaction.

Une maison de classe moyenne. Le FLIC et la FEMME DU FLIC qui étaient en train de s’embrasser sur le sofa suivent attentivement le discours. Le FLIC est très inquiet d’apprendre l’existence de cette nouvelle menace.

L’APPRENTI parait très impressionné par les paroles du serviteur.

 

Les Gardes Républicains débouchent dans le couloir menant aux appartements présidentiels. Les deux gardes-traîtres font un tir de barrage. Pendant quelques instants durant lesquels le serviteur finit son discours, un échange de tirs fournis s’effectue. Les deux gardes-traîtres finissent par succomber face au nombre des assaillants. Le serviteur fait un signe au caméraman, qui pose sa caméra sur un meuble.

Les Gardes Républicains entrent de force dans le bureau du Président et devant la caméra, se mettent à rosser de coups le serviteur, qui ne semble éprouver aucune douleur et ne cherche pas à se défendre. Un Garde s’aperçoit que la caméra tourne et tire dedans. L’image se grise.

 

Dans la villa, le RICHE crie, s’emporte sur les conséquences économiques de cet attentat et les mesures draconiennes qu’il devra prendre. La FEMME DU RICHE tente de le raisonner, l’APPRENTI reste silencieux.

 

Le serviteur en sang est emmené sans ménagement pour l’interroger. Le corps sans vie du Président est couvert avec le drapeau national accroché au mur. Des Garde sont penchés sur le corps des deux gardes-traîtres. Ils ne comprennent pas comment ces hommes au-dessus de tous soupçons, qu’ils connaissaient depuis plusieurs années, ont pu participer à ce meurtre ignoble.

 

*

 

Le lendemain, vers 8 heures du matin, le RICHE se prépare à partir au travail. Il est de mauvaise humeur, l’ambiance est tendue. La FEMME DU RICHE s’occupe du FILS DU RICHE. L’APPRENTI sort sans dire un mot.

 

Chez lui, le FLIC embrasse tendrement la FEMME DU FLIC. Il sort de la maison.

 

DOUBLE-JEU quitte son domicile. Il marche dans la rue, et arrive à la hauteur de la maison du FLIC. Celui-ci est devant chez lui. Ils se disent bonjour machinalement et échangent quelques mots de loin. Ils restent distants.

 

Dans son petit appartement, La FEMME SEULE habille l’ENFANT de son manteau. Sur la table, une lettre est pliée à côté d’une enveloppe rose pâle et ornée de fleurs. L’ENFANT taquine la FEMME SEULE en claironnant qu’elle a encore reçu une lettre de son amoureux. Il se pince le nez avec exagération et dit que ces lettres « cocottent ». La FEMME SEULE sourit avec beaucoup de tendresse à l’ENFANT. Ils sortent dans la rue. En face, la FEMME DU RICHE s’apprête à conduire le FILS DU RICHE à l’école dans un gigantesque 4x4.

Le FILS DU RICHE salue l’ENFANT, mais sa mère le réprimande en lui disant de ne pas lui parler. Le FILS DU RICHE proteste mais la FEMME DU RICHE le fait monter dans la voiture.

La FEMME SEULE regarde haineusement la voiture, et va avec l’ENFANT s’asseoir à l’arrêt de bus situé à côté.

DOUBLE-JEU passe, regarde la FEMME SEULE et essaye d’attirer son regard, mais elle ne se rend pas compte de sa présence. Il continue à marcher. L’APPRENTI, caché derrière une poubelle, attend que DOUBLE-JEU le dépasse, puis le hèle amicalement. Ils discutent de l’attentat d’hier soir, l’APPRENTI est encore sous le choc mais DOUBLE-JEU ne semble pas avoir d’opinion à ce sujet.

Ils parlent du malaise que ressent l’APPRENTI au lycée. DOUBLE-JEU lui conseille d’ignorer les autres pour se concentrer sur son propre objectif. Ils se séparent devant l’entrée du lycée de l’APPRENTI en se donnant rendez-vous le surlendemain chez DOUBLE-JEU.

 

DOUBLE-JEU entre dans une petite supérette. A l’intérieur, la FEMME DU FLIC et la FEMME DU RICHE discutent âprement des évènements de la veille avec le COMMERCANT. Chacun ne semble pas personnellement affecté par la mort du président, et se préoccupe plus de ses propres problèmes immédiats.

La FEMME SEULE, loin du comptoir, ne participe pas à la discussion. Le VOLEUR, qui aide son père le COMMERCANT dans son travail, est souriant et serviable avec elle. DOUBLE-JEU traîne dans le même rayon, pour écouter les conversations.

Au bout d’un moment, le VOLEUR l’aperçoit et lui demande si il peut l’aider. DOUBLE-JEU lui dit que non, le remercie, et se saisit d’un article au hasard.

 

Partie II - J+1

 

Devant une école primaire bien entretenue, l’ENFANT descend du bus scolaire. Le FILS DU RICHE l’appelle. L’ENFANT est content. Il court vers le FILS DU RICHE. Ils marchent dans la cour. Ils parlent de la réaction de la FEMME DU RICHE que tous les deux ne comprennent pas vraiment.

La cloche sonne. Le FILS DU RICHE dit au revoir à l’ENFANT avant de rejoindre sa classe en courant. L’ENFANT part rejoindre la sienne.

 

A la fin du cours, l’ENFANT met du temps à ranger ses affaires. Le PROF s’approche de lui et lui demande si tout va bien. L’ENFANT répond évasivement, puis se décide à interroger le PROF au sujet des Batinis. Celui-ci lui explique leurs origines. Le PROF semble particulièrement apprécier l’ENFANT pour sa maturité.

 

Les explications continuent, mais c’est le FLIC qui parle. Il est dans une bibliothèque et lit un livre d’histoire. Il est en compagnie de l’AMI DU FLIC. Ils échangent leurs impressions.

Le FLIC et l’AMI DU FLIC émettent des hypothèses. Selon eux, l’organisation a réussi un coup médiatique très osé, mais ils n’ont revendiqué l’appartenance à aucun groupe terroriste connu et il est peu probable que le mouvement soit important.

Derrière eux, le PRETRE ferme le livre qu’il lisait, se lève et sort de la bibliothèque.

 

Dans une église modeste, seules quelques personnes âgées prient en silence. Parmi elles se trouve la MERE DU PROF. Le PRETRE rentre dans l’église. Aussitôt, la MERE DU PROF se lève et vient le voir. Elle le supplie de la confesser. Celui-ci accepte à contrecœur, arguant qu’elle est déjà passée à confesse hier, et tous les autres jours.

Dans le confessionnal,  la MERE DU PROF se lave de tout péché avec une ferveur démentielle. Elle ne cesse de parler de mort et d’archanges déchus. Le PRETRE tente sans succès de la raisonner.

Lorsque ils sortent, le PROF est dans l’église. Il salue le PRETRE courtoisement, sort avec la MERE DU PROF. Une fois à l’extérieur, il lui reproche de passer trop de temps dans les églises. Il n’apprécie pas énormément le PRETRE ; lui est athée.

Ils croisent l’ENFANT et le FILS DU RICHE. Ils portent un paquet de bonbon. Le PROF les taquinent en leur demandant de rentrer pour que leur mère ne s’inquiète pas. L’ENFANT répond que sa mère est encore au travail, et le FILS DU RICHE que la sienne fait du shopping et qu’elle rentrera tard.

La FEMME DU RICHE arrive en voiture à ce moment-là.. Elle pile à hauteur du petit groupe, elle est très énervée. Elle pousse frénétiquement les sacs contenant ses achats de la place du passager. Elle s’emporte après son fils, lui reprochant de traîner dans la rue avec l’ENFANT, et lui ordonne de monter.

Le FILS DU RICHE s’exécute après avoir dit au revoir à l’ENFANT d’un ton de regret. Le PROF se penche par la portière et demande pourquoi elle empêche son fils d’être avec son ami. La FEMME DU RICHE le rembarre.

Le PROF lui rappelle ironiquement que son fils n’a pas l’âge pour être à l’avant du véhicule. La FEMME DU RICHE lui demande si il est flic, ajoute qu’elle l’emmerde et remonte la vitre de son 4x4 avant de partir en trombe.

 

*

 

Dans une salle de classe d’un lycée nanti, la cloche annonçant la fin des cours sonne. L’APPRENTI rassemble ses affaires et sort. Il se remémore les propos échangés avec DOUBLE-JEU. On entend la voix du professeur donnant aux étudiants ses derniers conseils pour l’examen blanc qui aura lieu la semaine prochaine.

 

L’APPRENTI se rend chez le COMMERCANT. Ce dernier n’est pas là. Le VOLEUR accueille l’APPRENTI avec ferveur, mais celui-ci lui répond d’une voix chargée de mépris. Le VOLEUR semble admirer l’APPRENTI, et il parait blessé de cette réponse.

La télé située derrière le comptoir annonce que des ministres ont déjà signé leur démission, et qu’ils vivent dans la crainte d’être assassinés à leur tour ; le Palais Présidentiel est fouillé de fond en comble, et tous les salariés qui y travaillent sont durement interrogés. Le VOLEUR et l’APPRENTI discutent dix secondes, l’APPRENTI achète des cigarettes et sort.

 

A la télévision, on assiste à l’annonce du dirigeant d’un pays voisin, disant que des aides financières et militaires seront envoyées prochainement.

Le poste de télévision se trouve dans une pièce sombre, éclairée à la bougie. Le PATRON, dans l’ombre, explique triomphalement à DOUBLE-JEU que ces aides ne devraient bientôt plus être un problème si les consignes sont respectées. DOUBLE-JEU est entièrement dans la pénombre.

Le PATRON rappelle à DOUBLE-JEU que sa dernière recrue doit lui être amenée dans une semaine au plus tard. DOUBLE-JEU répond que ce sera fait, et qu’elle est presque mûre.

 

DOUBLE-JEU est chez lui, dans son bureau. Il y exerce la profession de faussaire, et par conséquent possède une énorme quantité d’enveloppes, de timbres, de tampons, et de tout ce qui peut permettre de fabriquer de faux documents plus ou moins confidentiels. DOUBLE-JEU plie une lettre, la glisse dans une enveloppe et ferme celle-ci.

 

Le soir, Le RICHE, la FEMME DU RICHE, le FILS DU RICHE et l’APPRENTI dînent ensemble. C’est l’anniversaire du FILS DU RICHE. L’ambiance est apparemment festive, mais le RICHE se préoccupe plus de l’avenir de son entreprise que de son fils.

 

Le VOLEUR et le COMMERCANT ferment leur magasin. Le COMMERCANT balaye la salle. Il dit au VOLEUR de bien fermer le store à clé, et de ne pas simplement le baisser comme la dernière fois. Le COMMERCANT se plaint d’une bande de jeunes qui les importune régulièrement, de la mauvaise graine de voyou.

Le VOLEUR est occupé à baisser le volet roulant quand il remarque une enveloppe posée sur le paillasson de l’entrée. Elle lui est adressée. Il la ramasse.

Pendant que son père regarde ailleurs, il la lit. C’est une lettre anonyme (écrite et déposée par DOUBLE-JEU), lui demandant de se rendre au parc dans deux heures. La lettre ajoute que des révélations importantes vont lui être faites, pouvant changer le cours de sa vie.

 

Chez lui, l’APPRENTI s’éclipse rapidement de table. Il prétend devoir réviser son examen de demain. Il s’installe sur le toit prolongeant la fenêtre de sa chambre et allume une cigarette. La fumée le fait tousser. Il jette sa cigarette sur la gouttière, écoeuré.

Il remarque une silhouette près de la boîte aux lettres de la maison (il s’agit de DOUBLE-JEU). Celle-ci siffle pour attirer l’attention de l’APPRENTI, et dépose quelque chose dans la boîte avant de partir en courant.

L’APPRENTI saute lestement du toit et va ouvrir la boîte aux lettres. Il y récupère une enveloppe, qu’il ouvre et lit à la lumière d’un réverbère. La lettre l’insulte avec véhémence, et lui enjoint de le rejoindre au parc pour lui « péter la gueule ». Elle est signée par le VOLEUR.

L’APPRENTI a un petit sourire, et se dirige tranquillement vers le parc.

 

Chez lui, le FLIC, la FEMME DU FLIC et l’AMI DU FLIC dînent ensemble. La FEMME DU FLIC essaye de parler d’elle, mais le FLIC ne s’y intéresse pas. Il est obsédé par le rapport qu’il va devoir écrire pour son supérieur, et rabaisse sa femme en lui reprochant de ne se préoccuper que de futilités. L’AMI DU FLIC et la FEMME DU FLIC échangent des œillades discrètes.

 

L’APPRENTI arrive au parc, et voit le VOLEUR qui attend. Il s’approche et commence à le rouer de coups. Le VOLEUR, surpris et terrorisé, n’arrive pas à se défendre.

Le FLIC entend les cris du VOLEUR. En jurant, il se précipite dehors. L’AMI DU FLIC et la FEMME DU FLIC se lèvent et restent sur le seuil de la maison.

L’APPRENTI sort un couteau et s’apprête à poignarder le VOLEUR. Le FLIC arrive sur les lieux et hurle à l’APPRENTI d’arrêter. Surpris, l’APPRENTI prend la fuite. Le FLIC passe le bras du VOLEUR autour de ses épaules et lui demande si il a reconnu son agresseur. Le VOLEUR répond que non. Il est en état de choc.

DOUBLE-JEU, sort de l’ombre, très détendu, et s’adresse au FLIC en ironisant sur l’efficacité de la police. Le FLIC lui dit de « se la fermer » et rentre chez lui.

 

Partie III - J+10

 

La MERE DU PROF entre dans le magasin du COMMERCANT. Celui-ci se moque gentiment à son insu de ses penchants illuminés pour la religion. Le VOLEUR est présent, mais très distant. Il garde encore de nombreuses séquelles physique et psychologique des coups reçus la semaine dernière. La MERE DU PROF vante les mérites du VOLEUR, et félicite le COMMERCANT d’avoir un fils pareil.

Lorsque elle s’aperçoit qu’il est blessé, elle entame une diatribe sur le Mal qui hante ce monde. Le COMMERCANT l’interrompt rapidement, expliquant que son fils n’a simplement pas eu de chance. Le VOLEUR est très vexé que son père ne manifeste pas de compassion pour ce qu’il a subi.

                                     

L’APPRENTI dessine une caricature du PROF sur le brouillon de sa copie d’examen. Dans la salle d’examen, il n’y a pas un bruit. Le PROF, qui surveille les étudiants, annonce que ceux qui ont fini peuvent partir. L’APPRENTI se lève, remet sa copie blanche et sort rapidement avant que le PROF n’ait pu dire un mot de plus.

 

Le PROF sonne chez la FEMME SEULE. Celle-ci lui ouvre. Le PROF entre et explique qu’il s’inquiétait de ne pas avoir vu l’ENFANT à l’école aujourd’hui. La FEMME SEULE lui dit qu’il a fait une crise d’asthme plus grave que d’habitude, et qu’elle n’est pas allée au travail non plus pour pouvoir s’occuper de lui.

Le PROF remarque une lettre posée sur la commode près de l’entrée, une lettre parfumée à la rose, au papier de qualité et à la calligraphie particulièrement soignée. Il dit en souriant à la FEMME SEULE que l’auteur de cette lettre doit être très amoureux d’elle. La FEMME SEULE dénigre la lettre d’un geste de la main et répond en riant que cet homme lui envoie le même genre de lettres depuis plus d’un an, et qu’elle ne sait toujours pas qui c’est. Elle trouve que l’intention est adorable, mais qu’elle n’a pas grand intérêt si l’auteur demeure inconnu, et ajoute que ces lettres à répétitions commencent à la lasser, bien qu’elles amusent l’ENFANT.

Le PROF s’excuse de sa curiosité déplacée, et la FEMME SEULE l’excuse avec bonne humeur, puis lui demande s’il est avec quelqu’un. Le PROF répond que non, car l’entretien de la MERE DU PROF lui occupe déjà beaucoup de temps libre.

L’ENFANT est dans le petit salon, il se remet d’une coupure de souffle, mais semble de bonne humeur. Il est légèrement effrayé de voir le PROF ; celui-ci le rassure en lui disant qu’ils peuvent rattraper les cours de la journée ensemble si l’ENFANT le souhaite. La FEMME SEULE et le PROF partagent une certaine forme de complicité, masquée par la politesse.

 

Chez lui, DOUBLE-JEU s’occupe de ses bonsaïs. On entend la porte d’entrée qui s’ouvre, et la voix de l’APPRENTI qui le hèle. DOUBLE-JEU étouffe un juron avant de jeter précipitamment un drap pour recouvrir ses bonsaïs. L’APPRENTI pénètre dans la pièce à ce moment-là.

DOUBLE-JEU et l’APPRENTI discutent. DOUBLE-JEU annonce à l’APPRENTI que le journaliste qui avait diffusé les images du meurtre du Président a été arrêté. L’APPRENTI confie à DOUBLE-JEU qu’il a cogné sur le VOLEUR, et qu’il est totalement perdu au lycée. DOUBLE-JEU questionne l’APPRENTI sur ce qu’il attend de sa vie, les raisons pour lesquelles il mène la vie qu’il mène actuellement. L’APPRENTI ne parvient pas réellement à répondre.

DOUBLE-JEU change de sujet. Il demande à l’APPRENTI ce qu’il veut apprendre aujourd’hui. DOUBLE-JEU se décide à lui montrer quelles sont les parties les plus fragiles du corps humain, et comment neutraliser un adversaire à mains nues sans laisser de traces visibles.

 

 Le PATRON est assis dans un fauteuil sommaire, il écoute pensivement la télévision. Le dirigeant qui avait promis des aides y fait une nouvelle déclaration pour dire que celles-ci seront suspendues pendant une durée encore indéterminée. Sa voix n’est pas assurée.

A la télévision, le dirigeant est assis devant de lourdes tentures faisant office d’arrière-plan. Derrière, un bras armé d’un couteau menace sa gorge. Le mouvement d’ombres humaines laisse supposer qu’il y a une demi-douzaine de personnes dans la pièce. Le dirigeant ajoute qu’il est désolé, et qu’il ne peut rien faire de plus. L’homme au couteau se dévoile et chuchote quelque chose à l’oreille du dirigeant.

Le dirigeant est choqué, mais l’homme presse plus fort le couteau contre sa gorge. Le dirigeant demande alors à la population de rejoindre les Batinis, et que ceux-ci oeuvrent pour une juste cause. L’homme au couteau gratte le crâne du dirigeant, et sort de l’image. Le dirigeant est effondré, puis l’écran se grise.

 

*

 

DOUBLE-JEU et l’APPRENTI sont torse nus, en sueur, essoufflés, dans une cave mal éclairée. Ils tiennent chacun un couteau à cran d’arrêt dans leur main droite. Ils se fixent intensément. DOUBLE-JEU annonce « Encore une fois ! », puis ils se jettent l’un sur l’autre.

Ils se battent, esquivent les lames de couteau, ripostent. Leurs mouvements sont fluides, leurs déplacements sont souples. DOUBLE-JEU parvient à saisir le bras armé de l’APPRENTI, le bascule dans son dos et plaque son couteau contre sa gorge. Ils restent ainsi, immobiles, pendant 5 secondes, puis DOUBLE-JEU lui explique qu’il doit se retirer plus rapidement après une attaque.

DOUBLE-JEU relâche enfin son étreinte, et ils se détendent. L’APPRENTI, semble hésitant. Il finit par demander à DOUBLE-JEU comment celui-ci connaît toutes ces techniques. DOUBLE-JEU laisse la question en suspens un instant avant de demander à l’APPRENTI si il aimerait rejoindre les Batinis.

L’APPRENTI est sous le choc. DOUBLE-JEU lui révèle qu’il fait partie de cette organisation, et tente de le convaincre de la rejoindre. L’APPRENTI est ébranlé. Il dit à DOUBLE-JEU qu’il ne peut pas, puis quitte la pièce. DOUBLE-JEU lui rappelle qu’il est libre de revenir sur son jugement à tout instant.

 

Dans une des directions interrégionales de la police judiciaire, le FLIC et l’AMI DU FLIC écoutent les instructions du commissaire. Il y a une dizaine d’autres policiers à la réunion. Le Directeur explique que le meurtrier du Président ayant parlé de membres et de réseau, le directeur central de la police judiciaire a ordonné l’ouverture d’une enquête et la mise en place d’un plan de surveillance renforcé visant à le démanteler rapidement, dans le cas où les Batinis possèderait une antenne dans la région.

Le Directeur informe les policiers sur le fait que les aides promises n’arriveront pas, et qu’ils devront se débrouiller seuls. La réunion se termine.

 

Dans un café modeste, le PROF et DOUBLE-JEU sont attablés l’un en face de l’autre. Ils se tutoient. Le PROF ouvre son attaché-case, en sort un dossier plastifié d’une dizaine de pages et le tend à DOUBLE-JEU. Il lui rappelle que ces informations sont confidentielles et qu’il ne doit les divulguer à personne. DOUBLE-JEU le remercie et promet au PROF qu’il lui revaudra ça : avec ces papiers, DOUBLE-JEU pourra apporter à l’APPRENTI l’aide que ce gamin mérite.

Le PROF lui demande alors de lui parler de la FEMME SEULE. DOUBLE-JEU est surpris et lui demande insidieusement pourquoi. Le PROF le désarme en riant franchement et explique à DOUBLE-JEU qu’elle est la mère d’un de ses élèves asthmatique.

Rassuré, DOUBLE-JEU décrit au PROF ce qu’il sait d’elle : elle a 29 ans ; son mari est mort trois ans après leur rencontre, renversé par un chauffard qui ne s’est pas arrêté, juste devant sa maison, un soir où il vidait les poubelles ; son fils n’est pas de lui ; elle travaille dans une usine de textile ; elle a eu une enfance compliquée. DOUBLE-JEU ajoute en détournant le regard que les relations entre lui et la FEMME SEULE sont encore assez froides. Le PROF le rassure en riant et lui dit que ça n’a pas d’importance tant que DOUBLE-JEU ne tombe pas amoureux d’elle. DOUBLE-JEU rebondit sur ses paroles en riant jaune.

Le FLIC et l’AMI DU FLIC entrent dans le café. Le FLIC hoche la tête vers DOUBLE-JEU. DOUBLE-JEU hoche lentement la tête à son tour. DOUBLE-JEU remercie le PROF, se lève et quitte le café.

Le FLIC et l’AMI DU FLIC s’attablent près de la table du PROF, qui est en train de finir son café en regardant sa montre. Ils parlent des problèmes qu’ils rencontrent face aux Batinis.

 

DOUBLE-JEU est chez le RICHE. La FEMME DU RICHE est aussi présente. DOUBLE-JEU prétend représenter le lycée de l’APPRENTI ; il sort le dossier que lui a donné le PROF et leur montre une feuille de papier griffonné. La date indique qu’il s’agit de la copie rendue par l’APPRENTI à son dernier examen.

DOUBLE-JEU explique qu’en temps normal les copies restent anonymes mais que dans le cas présent, il a jugé impératif d’avertir la famille.

Le RICHE et la FEMME DU RICHE regardent la copie. Elle est couverte de symboles tels que des croix gammées ou des pentacles, et de dessins de femmes nues prises par des diables. Le visage du RICHE s’empourpre. DOUBLE-JEU leur conseille de placer leur fils dans un institut spécialisé ; il s’excuse, leur conseille de s’armer de courage, et prend congé du RICHE et de la FEMME DU RICHE.

 

A la tombée de la nuit, L’APPRENTI rentre chez lui. Ses parents sont attablés et paraissent soucieux. En voyant l’APPRENTI, le RICHE le hèle et lui dit qu’ils ont parlé, sa mère et lui. Ils ont décidé que l’APPRENTI ira dès demain dans une école psychiatrique spécialisée.

L’APPRENTI refuse catégoriquement. Il tente d’expliquer à ses parents qu’il va bien et qu’il est hors de question qu’il s’en aille. Le RICHE et l’APPRENTI se disputent, la FEMME DU RICHE est en larmes, le FILS DU RICHE qui écoute depuis le couloir mordille nerveusement ses mains.

L’APPRENTI essaye de leur faire comprendre qui il est, les problèmes intérieurs qu’il éprouve mais le RICHE ne l’écoute pas. Excédé, l’APPRENTI quitte la maison en courant, hurle qu’il n’ira jamais là-bas, puis court dans la nuit jusqu’au domicile de DOUBLE-JEU.

 

DOUBLE-JEU est chez lui, assis sur son canapé au cuir troué. Il regarde la copie de l’APPRENTI en se demandant s’il s’est montré crédible avec ses dessins. Il jette la copie sur le canapé et regarde sa montre. On sonne. Il se lève aussitôt et va ouvrir. L’APPRENTI est sur le seuil de sa maison, il est essoufflé, en sueur et décoiffé.

DOUBLE-JEU le fait entrer. L’APPRENTI lui explique qu’il ne peut plus retourner chez lui, et qu’il accepte de rejoindre les Batinis. DOUBLE-JEU ne pose pas de questions, il lui sourit, et paternellement, lui tient des propos rassurants.

 

Partie IV - J+20

 

DOUBLE-JEU est au volant d’un vieux véhicule tout terrain à la peinture écaillée et aux suspensions hasardeuses. Il est accompagné de l’APPRENTI. Ils roulent le long d’une étroite piste caillouteuse bordée d’arbres tortueux et de broussailles épineuses. Ils se garent sur le bord de la route, et DOUBLE-JEU explique qu’à partir d’ici ils vont devoir continuer à pied.

Ils descendent du véhicule et s’enfoncent dans les bois par un chemin de chèvre.

 

Le FLIC et l’AMI DU FLIC marchent dans la rue. Ils boivent du café dans un gobelet en plastique. Ils sont du même avis au sujet de l’organisation des Batinis : celle-ci doit comporter plusieurs centaines de membres au minimum, et une structure de cette importance doit apporter son lot de contraintes logistiques ; ils possèdent certainement un camp de base, situé loin des villes ; ils veulent proposer à leur supérieur d’étudier les trajets des convois de nourriture, pour vérifier si un ou plusieurs d’entre eux s’est fait intercepter.

Le FLIC et l’AMI DU FLIC s’arrêtent de marcher et s’adossent à une fontaine. Le FLIC explique à l’AMI DU FLIC que les photos satellites n’ont rien révélé, et que des patrouilles aériennes sillonnent en ce moment même le territoire. La détonation d’un supersonique claque dans l’air, suivie d’une deuxième.

 

DOUBLE-JEU et l’APPRENTI arrivent à mi-hauteur d’une colline, creusée en son flanc par un défilé naturel haut de plusieurs dizaines de mètres et large de deux mètres seulement. L’entrée du défilé est masquée par des buissons denses. L’APPRENTI s’avance ; DOUBLE-JEU lui intime l’ordre d’attendre, et sort un miroir de poche avec lequel il fait se refléter les rayons du soleil contre la paroi, avec un rythme étudié. Il signale à l’APPRENTI que c’est bon.

Ils s’avancent dans le défilé, qui se resserre de plus en plus. A un moment donné, le défilé semble finir en cul-de-sac. L’obscurité est presque palpable, la lumière du soleil tamisée par les arbres au sommet du défilé ne permet pas d’y voir grand-chose. Une petite cascade ruisselle le long de la paroi rocheuse. DOUBLE-JEU fait un signe de la main à l’APPRENTI, qui s’avance vers le fond de la cavité, près de la cascade. DOUBLE-JEU montre à l’APPRENTI une toile couleur pierre, juste devant lui. L’APPRENTI la soulève et se retrouve baigné de lumière.

 

L’APPRENTI et DOUBLE-JEU débouchent dans une profonde vallée encaissée entre deux pitons rocheux, d’une largeur de 25 mètres et d’une longueur de plus de 100 mètres. Sur le bord opposé à eux, elle se finit en à-pic. Des maisons troglodytes, et d’autres construites en argile émergent ça et là. Les toits des maisons sont couverts de végétation, mais partout ailleurs il n’y a que de la roche stérile et des nuages de poussière. Une agitation démentielle règne un peu partout : des phalanges de Batinis s’entraînent au combat, à la lutte, au parcours d’obstacles, à l’infiltration ; des porteurs déambulent écrasés par le poids de leur chargement ; au centre de la vallée, une petite foule se presse autour d’un grand puit. Une quarantaine de Batinis est regroupée près de l’entrée de la vallée ; ils sont visiblement sur le point de partir. DOUBLE-JEU leur souhaite d’accomplir leur devoir avec bravoure. Les Batinis se tournent vers DOUBLE-JEU. Leur regard est fixe et n’exprime aucune émotion. L’APPRENTI demande à DOUBLE-JEU ce qu’il se passe, et celui-ci lui répond qu’il le saura bien assez tôt.

Près du bord de la falaise, des hommes récupèrent le contenu de nacelles attachées à un astucieux jeu de poulies. DOUBLE-JEU explique à l’APPRENTI que tous les Batinis ne sont pas forcément des guerriers. La plupart sont des collaborateurs qui partagent leurs idéaux mais qui mènent une vie presque normale. Ainsi, des paysans et des artisans leurs fournissent tout ce dont ils ont besoin, et une infinité de membres infiltrés dans tous les secteurs administratifs les aident en sapant le fondement de la société. Ils sont réellement partout.

L’APPRENTI lui demande ce que DOUBLE-JEU est, et ce qu’on attend de lui. DOUBLE-JEU esquive la question en lui parlant des idéaux anarchiques des Batinis et du nouvel ordre mondial qu’ils comptent instaurer.

Au sommet des pitons, des arbres surplombent la vallée. Des guetteurs sont placés là. Soudain, une flèche à tête sifflante fend l’air. Méthodiquement, tous les Batinis convergent vers l’intérieur des bâtiments. DOUBLE-JEU les imite en entraînant l’APPRENTI avec lui. Il lui explique que des avions approchent.

 

Depuis le poste de pilotage de l’avion de patrouille, le camp Batini est totalement invisible, fondu dans la végétation. Le pilote fait un commentaire sur la beauté des lieux, annonce à la radio qu’il a fini sa ronde et qu’il n’a rien trouvé. L’avion s’éloigne tandis que les Batinis ressortent des maisons et reprennent leurs activités.

 

DOUBLE-JEU montre une porte en bois vermoulu à l’APPRENTI, et lui explique qu’on l’attend. Après un instant d’hésitation, l’APPRENTI pousse la porte et entre. DOUBLE-JEU s’en va.

A l’intérieur, des vapeurs enivrantes lui montent à la tête, une végétation luxuriante plonge ses racines dans des bassins d’eau chaude. Tout autour, des coussins rebondis sont installés sur un lit de bambous fraîchement coupés. Sur une table basse, un encensoir diffuse une fumée rosée et une outre de vin repose dans un sac de glace. Des jeunes vierges à demi nues l’accueille et le guide jusqu’au bassin où l’attend le PATRON. L’APPRENTI à un sourire béat plaqué sur la figure, sa démarche est titubante.

Le PATRON est enveloppé dans un peignoir de coton fin, et plongé dans un bassin thermale. Il accueille l’APPRENTI avec un grand sourire. Il le félicite pour son parcours, lui dit que DOUBLE-JEU a beaucoup parlé de lui, et qu’il est prêt à l’aimer comme son père.

Il lui demande s’il accepte de se joindre aux Batinis. Le PATRON désigne ce qui l’entoure en lui expliquant qu’un jour tout cela sera à l’APPRENTI, et qu’il peut déjà en avoir un aperçu dès aujourd’hui s’il le souhaite. Le PATRON le met en garde, l’APPRENTI devra d’ici là obéir à tous ses ordres sans discuter, car la sagesse de ceux-ci est indiscutable, même si elle peut paraître dérangeante pour le non-initié. L’APPRENTI s’empresse d’accepter et, totalement ivre, se vautre avec délice au milieu des coussins en s’emparant de l’outre.

Le PATRON lui dit en souriant que DOUBLE-JEU l’a bien préparé, et qu’il peut être fier d’avoir connu DOUBLE-JEU ; il se lève et sort.

 

*

 

Le soir, DOUBLE-JEU est au volant de sa voiture, il se masse la nuque. Il a le front plissé et semble tourmenté. Il passe devant la supérette du COMMERCANT.

 

A l’intérieur de la supérette, le COMMERCANT et le VOLEUR font l’inventaire en silence. Le VOLEUR ne semble pas aller bien. La porte d’entrée cogne avec fracas contre le mur, et la bande de vauriens qui les importunent habituellement rentre en riant et en tapant du poing. Le COMMERCANT est apeuré, et le VOLEUR se cache aussitôt derrière un rayon.

Le COMMERCANT leur demande sans conviction de partir vite, tandis que la bande dévalise le magasin à la recherche de bières. Le VOLEUR est assis à même le sol, son visage exprime à la fois une colère sourde et une peur latente ; il se saisit d’une batte de base-ball, se relève et frappe par surprise un des racketteurs au visage. Celui-ci s’effondre. Fou de rage, le VOLEUR crie et attaque à l’aveuglette. La bande paniquée s’enfuit sans opposer de résistance.

 

Le VOLEUR jette dehors le corps inanimé du premier homme qu’il a frappé. Le COMMERCANT est stupéfait de l’attitude de son fils et lui demande où il a appris à se battre. Le VOLEUR répond qu’il n’a pas appris, qu’il s’est simplement laissé aller. Une lueur de fierté brille dans le regard du COMMERCANT.

 

Le même soir, une importante offensive des Batinis a lieu. Ceux-ci attaquent simultanément tous les élus du pays : les maires, les PDG de grandes entreprises, les directeurs administratifs. La même méthode est systématiquement employée. L’assassin frappe au couteau, sans chercher à dissimuler son geste, même dans une salle bondée. Parfois, le tueur s’est infiltré jusqu’au bureau où à la demeure de la cible ; ailleurs, l’élu meurt des mains d’une personne en qui il croyait avoir confiance. Dans tous le pays, les Batinis frappent au même instant.

 

Le FLIC et l’AMI DU FLIC sont au bureau de la police judiciaire. Le commissaire est mort la veille des mains d’un Batini. L’assassin est un homme qu’ils connaissaient bien, puisqu’il faisait partie de leur section. Dans une salle d’interrogatoire, le Batini est sauvagement frappé par des policiers enragés, mais il ne desserre pas les dents. Il règne une ambiance survoltée dans le poste de police. 

Le FLIC apprend l’ampleur de la catastrophe ; très peu de Batinis ont été capturés vivants, car quand ceux-ci se savent perdus, ils croquent une dent creuse dans laquelle est dissimulée une poche de poison qui les foudroient instantanément. Les policiers de garde la veille ont pu empêcher le meurtrier du commissaire de se suicider en lui écartant les mâchoires, et ils tentent de le faire parler mais il semble entraîné à résister à la torture.

Le FLIC est le plus gradé, et prend donc la responsabilité de l’enquête en attendant de nouvelles instructions. Il commence par ordonner une fouille mutuelle de tous les policiers pour vérifier qu’aucun n’a de dents creuses, et donc qu’aucun n’est un Batini. Ensuite, le FLIC démontre que l’opération d’hier soir n’a pu être faite sans une communication des membres à l’échelle nationale. Il demande à ses troupes de surveiller activement tous les réseaux de télécommunications possibles pour intercepter des messages.

 

Le PATRON est sur le seuil d’un des bâtiments du camp des Batinis. Il harangue les nouvelles recrues, leur parle de l’offensive d’hier soir et des braves qui ont servis la cause des Batinis. Il les encourage à prendre la relève et à se dépenser sans relâche. Sa voix est faible mais résonne dans le camp silencieux. L’APPRENTI est parmi les recrues, et il écoute avec attention.

Le PATRON rentre à l’intérieur du bâtiment. Un homme hurle à l’APPRENTI et à ses compagnons de continuer l’entraînement. Les recrues se postent deux à deux, l’un en face de l’autre. Au signal, ils dégainent leurs couteaux et se jettent l’un sur l’autre.

 

L’ENFANT prend son petit déjeuner dans la cuisine de la maison de la FEMME SEULE. La FEMME SEULE est debout contre l’évier et lustre une pomme. L’ENFANT se plaint de ses céréales à la FEMME SEULE. Ce faisant, il agite la boîte de céréales discount. La FEMME SEULE lui dit qu’elle essaye de nouveaux produits, mais l’ENFANT recrache ses céréales dans le bol.

La FEMME SEULE lui explique qu’il faudra que l’ENFANT s’habitue à manger des aliments de moins bonne qualité. L’ENFANT s’apprête à répondre mais la FEMME SEULE le coupe d’un geste de la main, se tourne vers l’évier, regarde sa pomme d’un air affligé et croque dedans. Une larme coule le long de sa joue et glisse sur le fruit.

 

Le RICHE et la FEMME DU RICHE sont dans leur salon. Les deux monologuent sans réellement s’écouter. Le RICHE parle des licenciements massifs qu’il a été obligé d’effectuer pour sauver son entreprise, car tous ses clients à l’étranger refusent de coopérer avec lui désormais. La FEMME DU RICHE s’inquiète pour l’APPRENTI et demande au RICHE quand est-ce qu’il songe lancer des recherches. Mais le RICHE répond que ses affaires lui prennent tout son temps et qu’il ne peut pas consacrer ses heures à chercher un fils qui a délibérément voulu partir de chez lui. La FEMME DU RICHE est très affectée de cette réponse et se demande où est l’APPRENTI en ce moment.

 

L’APPRENTI se bat avec vigueur contre son adversaire. Tandis qu’il attaque et esquive, il se remémore une entrevue qu’il a eu avec le PRETRE. Assis sur les bancs de son église, ils se parlaient. L’APPRENTI lui confiait ses malaises et le désir qu’il avait d’être reconnu par sa famille, mais le PRETRE lui répondait avec mépris en le sermonnant sur ses manières de mécréant. L’APPRENTI l’avait insulté avec véhémence et avait juré qu’il le tuerait, mais le PRETRE lui avait ri au nez en arguant que sa foi le protégeait de ce genre de menaces puériles et que le Seigneur savait reconnaître ce qui était juste.

Sur l’adversaire de l’APPRENTI se superpose le visage du PRETRE. L’APPRENTI marmonne qu’il a juré de le tuer, attaque son adversaire comme le lui a appris DOUBLE-JEU et plaque son couteau sur sa gorge. Il hurle qu’il va le tuer. Son adversaire est en panique et le supplie. Le formateur se précipite sur l’APPRENTI, lui saisit les mains, le félicite et lui ordonne de lâcher son adversaire, en ajoutant que l’heure viendra bien assez tôt.

 

Partie V - J+35

 

Dans l’arrière-salle obscure d’un bar mal famé, un homme gras avec une demi-queue de cheval déplie un torchon sur une table métallique. Il dévoile une arme paralysante et la montre à son client. Il le met cependant en garde en lui signalant que réglé à la puissance maximale, le rayon peut être mortel sur des personnes émotives ou de faibles constitutions.

Le COMMERCANT répond qu’il fera avec, et achète l’arme.

 

Chez elle, le soir, la FEMME SEULE est au téléphone avec le PROF. Il lui propose de sortir faire un tour mais la FEMME SEULE décline son invitation avec regret. La sonnette d’entrée résonne brièvement dans la maison, et la FEMME SEULE se sert de ce prétexte pour raccrocher.

Elle dit à l’ENFANT qu’il est l’heure d’aller se coucher, lui demande de prendre ses médicaments et d’aller dans sa chambre sans faire de bruits.

La FEMME SEULE ouvre au COMMERCANT, ils semblent gênés tous les deux. Ils se font la bise et n’ont pas grand-chose à se dire.

Dans la chambre de la FEMME SEULE, le COMMERCANT parait de moins en moins à l’aise. La FEMME SEULE commence à le déshabiller et aperçoit l’arme du COMMERCANT. Elle se recule vivement, effrayée ; le COMMERCANT lui explique que ce n’est pas pour elle mais que c’est à cause de son fils, le VOLEUR, qui a disparu depuis plus de deux semaines. Maintenant que le COMMERCANT est seul, il se sent plus rassuré avec cette arme. Le COMMERCANT reprend brusquement confiance en lui, et s’avance pour enlacer la FEMME SEULE.

 

Le PRETRE est dans son confessionnal, il écoute la FEMME DU RICHE. Elle lui parle de ses malheurs, de son fils fugueur et de l’absence d’écoute de la part de son mari. Le PRETRE n’écoute pas vraiment la FEMME DU RICHE ; lorsqu’elle évoque le suicide, le PRETRE ne tente pas de la retenir, et va même jusqu’à dissiper les doutes de la FEMME DU RICHE en annonçant qu’elle ne risque pas la damnation vu son manque manifeste de foi.

La FEMME DU RICHE reparle de l’APPRENTI, et le PRETRE lui avoue qu’ils ont eu un entretien tous les deux, et que les déviances de l’APPRENTI ne peuvent provenir que des erreurs de sa mère.

La FEMME DU RICHE quitte le confessionnal.

 

La FEMME DU RICHE rentre chez elle, en pleurs, jette son sac à main et son manteau et se dirige vers la salle de bains. Elle va au distributeur de médicaments, en prend un, puis tente d’en prendre un second ; la machine ne lui en donne pas, et un compteur s’affiche pour lui signaler le temps restant avant une nouvelle prise. Elle essaye de fracasser la machine mais n’y parvient pas.

Dans la cuisine de la maison du RICHE, elle ouvre le gaz et se saisit d’un couteau. La télévision retransmet une sitcom avec des rires enregistrés. L’interrupteur de gaz se remet en position off et un petit distributeur de mousse carbonée situé sous la cuisinière libère son contenu sur la plaque.

Avec le couteau, elle tente de s’ouvrir les veines, mais dès que la lame entre en contact avec la peau, elle se rétracte dans le manche. Elle peste contre ces couteaux sensitifs, et dans un geste de rage, le plante contre une belle côte de bœuf posée sur la table. Elle regarde la viande et le couteau, puis frénétiquement, entreprend de dégager l’os.

 

Le FILS DU RICHE entre dans la cuisine. Le sol ruisselle littéralement de sang. Sur la table, la pièce de viande est en charpie. Dans un coin, la FEMME DU RICHE est assise, elle tient l’os ensanglanté entre ses mains. Elle s’est ouverte les veines et elle est morte. Le FILS DU RICHE appelle son père. Le RICHE entre dans la cuisine et voit le carnage.

A la télévision, on entend les informations économiques qui évoquent un crash boursier sans précédent à cause de la politique de harcèlement dont font à présent preuve les Batinis. Une des conséquences à court terme est une suspension temporaire des salaires pour de nombreux secteurs publics.

Le RICHE se tient toujours immobile. Le FILS DU RICHE rompt le silence en disant que lui est content que la FEMME DU RICHE ait fait ça, car elle était méchante avec lui et que maintenant, il pourra voir l’ENFANT comme il le souhaite. Le RICHE le regarde avec des yeux ronds, puis sa colère éclate. Il jure que lui vivant, jamais le FILS DU RICHE ne reverra l’ENFANT, et qu’il restera dès demain à la maison avec le RICHE car il refuse de voir le FILS DU RICHE devenir comme l’APPRENTI.

Le RICHE se promet de refaire l’éducation du FILS DU RICHE depuis les bases, et que pour commencer, il va l’aider à nettoyer la cuisine. Le FILS DU RICHE pleure à chaudes larmes. Le RICHE lui demande pardon, le prend dans ses bras et lui demande de sortir pour qu’il puisse faire le ménage. Le FILS DU RICHE ne se le fait pas dire deux fois et sort. La télévision diffuse toujours les informations boursières.

 

*

 

Dans la vallée des Batinis, la nuit, l’APPRENTI est en tenue noire. Il est accompagné de quatre autres personnes, elles aussi en tenue noire ; ils effectuent une sorte de « parcours du combattant » où ils franchissent des obstacles. Ils rampent sous des barbelés, l’un d’entre eux s’accroche aux fils de fer.

Un deuxième tente de l’aider mais le leader du groupe lui ordonne de l’abandonner. Ils escaladent un mur au moyen de cordes munies de grappins. Ils arrivent devant une masure éclairée. Le leader chuchote à l’APPRENTI que c’est à lui de faire le geste. Le troisième membre grimpe sur le toit.

Des bruits de conversation filtrent depuis l’intérieur de la maison. Le PATRON parle avec un homme en haillons. L’unique fenêtre est entrebâillée. Le leader se poste devant et fait signe à l’APPRENTI de passer par la porte. L’APPRENTI crochète rapidement la serrure et entre.

L’homme en haillons, visiblement un vagabond, se dresse en renversant sa chaise. Il lâche la bouteille de vin qu’il tenait, et celle-ci explose avec fracas sur le sol. Le PATRON sourit à l’APPRENTI et lui annonce que cet homme est sa victime. L’APPRENTI dégaine son couteau et s’avance vers l’homme.

L’homme jette un œil vers la fenêtre et voit la silhouette du leader. Comprenant qu’il ne peut pas fuir, il supplie l’APPRENTI. Désarçonné, l’APPRENTI regarde le PATRON, qui lui ordonne d’un air mauvais de tuer l’homme. L’APPRENTI s’exécute, surine le vagabond d’un geste précis et répété maintes fois.

Le PATRON demande à l’APPRENTI quel effet ça lui a fait. L’APPRENTI ne répond pas et se contente de rire. Le PATRON le félicite et lui accorde un jour de liberté à la fin du mois.

 

Dans la rue, près d’un réverbère, une poignée de jeunes attendent en se frottant les mains pour les réchauffer. Le VOLEUR sort d’une voiture garée un peu plus loin et les rejoint. Il leur dit qu’elle contenait un autoradio et un sac a main ; il leur montre son butin. Les jeunes tapent chaleureusement l’épaule du VOLEUR et lui annoncent qu’il fait partie de la bande à présent. Ils prennent les objets de valeur dans le sac à main et entreprennent de mettre en pièces le reste.

Le VOLEUR propose timidement de reposer le sac dans la voiture plutôt que de détruire les papiers qu’il contient, mais la bande le regarde de travers. Le VOLEUR retire ce qu’il a dit. Les autres expliquent au VOLEUR qu’ils vont aller plus loin, profiter de l’agitation causée par les Batinis pour cambrioler les demeures. Le VOLEUR hésite, puis prend sa décision : il choisit d’approuver leurs propos.

 

Dans la maison du PROF, le PROF et la MERE DU PROF discutent. La MERE DU PROF  s’inquiète de la suspension du salaire du PROF et de l’arrêt du versement de son allocation de retraite. Elle a peur pour son avenir malgré les rassurantes paroles du PROF.

La MERE DU PROF refuse que le PROF voie la FEMME SEULE car elle a peur qu’il ne s’occupe plus d’elle. Le PROF s’emporte contre elle, il souhaite vivre aussi sa vie. Le PROF sort en fulminant.

Dans la rue, les actions des Batinis commencent à se faire ressentir. Les poubelles ne sont pas ramassées, il n’y a plus de circulation et quelques corps sans vie jonchent le sol, un couteau entre les omoplates. Des charognards rôdent dans le ciel et aux angles des bâtiments. Un gros rat boursouflé passe juste devant le PROF, qui crie et lui décoche un coup de pied par réflexe. Le rat couine et s’enfuit sous une plaque d’égout.

 

Dans sa chambre, l’ENFANT joue distraitement ; il écoute des bruits d’homme ne laissant aucun doute quand aux activités de la FEMME SEULE. L’ENFANT soupire.

Dans la chambre de la FEMME SEULE, le RICHE est affalé sur le lit. La FEMME SEULE est dans la salle de bains, elle prend une douche. Le RICHE lui parle de ses problèmes familiaux, de la FEMME DU RICHE qu’il a du enterrer dans le jardin, de son entreprise qui part à la dérive.

Le RICHE se plaint d’être ruiné, puis se reprend en disant que la FEMME SEULE ne doit de toute façon rien comprendre à ses histoires d’argent. En entendant ses mots, la FEMME SEULE est prise d’un accès de rage, sort de la salle de bains emmitouflée dans une serviette et lui ordonne de partir sur le champ.

Le RICHE se laisse vaguement pousser, mais arrivé dans le hall d’entrée, il se retourne et lui dit qu’il n’a pas payé la FEMME SEULE pour se faire humilier de la sorte. La FEMME SEULE répond qu’elle est certainement la plus humiliée des deux. Le RICHE s’apprête à embrasser de force la FEMME SEULE quand le PROF entre en prétextant avoir sonné plusieurs fois. Voyant la scène, il s’interpose entre le RICHE et la FEMME SEULE. Vexé, le RICHE traite le PROF de client et la FEMME SEULE de pute avant de partir. L’ENFANT, du haut des escaliers, demande à sa mère si tout va bien. Elle croise le regard choqué du PROF, rassure son fils et lui répond de retourner dans sa chambre. Elle sort sur le perron avec le PROF.

Là, elle éclate en sanglots. Le PROF la réconforte et lui promet de l’aider si elle arrête ses activités. Elle lui explique que c’était le seul moyen pour elle de payer les médicaments de son fils après son licenciement, car ses aides sociales ne sont toujours pas arrivées.

Le PROF tente doucement de l’embrasser, mais la FEMME SEULE le repousse avec un spasme. Voyant le PROF se rétracter, elle chuchote qu’elle l’aime mais qu’il lui faudra du temps. Le PROF comprend et la serre contre lui.

Derrière un arbre à quelques mètres, DOUBLE-JEU tremble de rage et lacère avec son couteau un cœur gravé il y a plusieurs années sur le tronc de l’arbre. Il est rasé de frais et habillé avec goût. Il marmonne en boucle, comme une incantation, que c’est lui et non pas le PROF qui devait aller aider la FEMME SEULE.

 

Partie VI - J+50

 

En fin d’après-midi, l’AMI DU FLIC et la FEMME DU FLIC sont chez le COMMERCANT. Ils s’entendent sur les derniers détails d’un accord : sur l’idée de l’AMI DU FLIC, la FEMME DU FLIC et lui vont utiliser la supérette du COMMERCANT comme local pour un mouvement caritatif destiné à fournir des couvertures et des vivres à ceux qui ont fui les Batinis. Le COMMERCANT touchera bien entendu un dédommagement appréciable pour la location provisoire de son magasin.

L’AMI DU FLIC se frotte les mains, et dit en riant à la FEMME DU FLIC qu’il a déjà présenté sa démission. Quand la FEMME DU FLIC lui demande comment il compte obtenir les fournitures, l’AMI DU FLIC lui répond de ne pas s’inquiéter pour ces problèmes matériels, qu’il a tout planifié.

Le FLIC entre dans la supérette. Il est surpris de voir l’AMI DU FLIC ici, et il ressort en reprochant à sa femme de n’avoir rien préparé pour le repas.

Le PRETRE, qui écoutait la conversation, présente ses achats au COMMERCANT. L’AMI DU FLIC lui demande si le PRETRE est prêt à les aider dans leur entreprise. A contrecoeur, le PRETRE répond que oui.

 

Le PRETRE rentre avec ses commissions. Il passe devant les cadavres des victimes qui traînent dans la rue sans s’arrêter. La mort et la maladie se répandent de plus en plus, certaines maisons sont abandonnées, d’autres saccagées par des pillards, les jardins sont en friche et les installations publiques hors service.

Le PRETRE peste contre l’AMI DU FLIC et ses idées de solidarité. Lui tient un raisonnement plus élitiste, et voit l’épreuve des Batinis comme un Jugement de Dieu pour reconnaître Ses plus fidèles dévots. 

Une fois rentré dans son église, une ombre glisse furtivement derrière lui. Le PRETRE ne s’en rend compte qu’au moment où il sent un couteau plaqué sur sa gorge. L’APPRENTI se penche contre son oreille, et lui susurre qu’il est un bon chrétien, venu tenir la promesse qu’il lui avait faite. Il demande au PRETRE de quel côté pense-t-il que son Dieu est en ce moment. Pendant quelques secondes, l’APPRENTI et le PRETRE restent immobiles, puis l’APPRENTI renifle l’air plusieurs fois. Terrorisé, le PRETRE a déféqué dans sa robe.

 Surpris, l’APPRENTI relâche son étreinte, et le PRETRE en profite pour s’échapper. L’APPRENTI le poursuit à l’intérieur de l’église vide tout en criant que le PRETRE a tué sa mère et qu’il compte bien la venger.

Le PRETRE renverse tout sur son passage dans l’espoir vain de ralentir l’APPRENTI, mais celui-ci ne perd pas de terrain. Ils empruntent un escalier en bois branlant formant un coude. A deux mètres de hauteur, le bois rongé et pourri se dérobe sous les pas du PRETRE, qui chute dans un placard à balais sous l’escalier. L’APPRENTI passe ses jambes par-dessus la balustrade, se cramponne au montant de l’escalier et, les jambes pendantes dans le vide, referme d’un coup de pied la porte du placard que le PRETRE était en train d’ouvrir.

L’APPRENTI se laisse tomber et atterri avec souplesse sur le sol. Il ferme la porte à clé avant de se saisir d’un lourd chandelier se terminant en pointe. Sachant le PRETRE coincé, l’APPRENTI entreprend de sonder le mur en plâtre du placard. Cet acte violent lui procure énormément de plaisir. Le PRETRE pousse un cri déchirant, et l’APPRENTI dégage du mur la pointe du chandelier maculée de sang.

L’APPRENTI lève son arme pour porter le coup de grâce quand un couteau de lancer siffle à son oreille et se plante sur le chambranle de la porte. Il se retourne. La silhouette de DOUBLE-JEU se découpe sur l’entrée de l’église ; il tient un deuxième couteau de lancer et lui ordonne d’arrêter son petit jeu. L’APPRENTI s’exécute aussitôt et rejoint DOUBLE-JEU.

 

L’APPRENTI et DOUBLE-JEU sont dans un parc. L’APPRENTI s’excuse auprès de DOUBLE-JEU d’avoir attaqué le PRETRE sans en avoir reçu l’ordre. DOUBLE-JEU dit à l’APPRENTI qu’il n’en parlera pas au PATRON s’il accepte d’effectuer un travail pour lui, un travail que l’APPRENTI appréciera.

DOUBLE-JEU demande à l’APPRENTI s’il sait pourquoi ses parents ont voulu le placer dans une école psychiatrique. L’APPRENTI bafouille une explication mais DOUBLE-JEU le coupe en lui montrant la copie de son examen. L’APPRENTI est stupéfait de découvrir les symboles dessinés dessus. DOUBLE-JEU lui dit que celui qui a montré cette fausse copie à ses parents est une personne qui hait l’APPRENTI plus que tout, que c’est injuste et que DOUBLE-JEU souhaite voir cette personne mourir.

 

Le PROF est devant son école. Les grilles sont closes et la cloche sonne lugubrement. Il ramasse des cadavres avec une pique et les hisse dans le coffre d’une camionnette.

Il est aidé de quelques autres personnes, tous sont cagoulés et se plaignent de la forte odeur de vinaigre de leurs vêtements. Le PROF leur dit que c’est une mesure nécessaire pour éviter de contracter la peste. Des passants s’écartent d’eux avec dégoût.

Un des hommes demande au PROF pourquoi il fait ça : eux sont des prisonniers à qui l’on a promis une réduction de peine en échange de cette corvée. Le PROF explique que si l’Etat a jugé nécessaire de fermer les écoles pour des raisons hygiéniques, et ce faisant de priver le pays de tout avenir, lui continuerait à accomplir son devoir.

A ce moment là, un nouveau Batini attaque un passant. Toute la rue est en proie à la panique. Le Batini frappe et frappe encore aveuglément tous ceux qui passent à portée de sa lame, sans se soucier des conséquences.

Les ramasseurs de corps et le PROF se précipitent sur lui et le transpercent à coups de piques. Une fois le Batini mort, ils jettent son corps et ceux de ses victimes sur la pile dans la camionnette, sans prononcer un mot. La rue s’est vidée de toute vie.

 

*

 

Dans la maison du RICHE, le VOLEUR est en train de faire des repérages. Le salon n’est éclairé que par sa lampe de poche et la lumière de la pleine lune.

Le RICHE entre dans le salon, une bougie à la main. Le VOLEUR éteint sa lampe et se blotti dans un coin. Le RICHE râle contre les pannes électriques de plus en plus fréquentes, et demande naïvement s’il y a quelqu’un.

Le VOLEUR répond que oui, et bondit sur le RICHE armé d’un tisonnier à cheminée. Il décoche un coup au visage du RICHE. Le RICHE à terre demande qui il est et ce qu’il veut. Il est prêt à lui donner de l’argent.

Le VOLEUR s’agenouille sur la bedaine du RICHE et lui demande s’il voit ce que son fils a fait de lui. Il le frappe en se servant du tisonnier comme d’un poing américain tout en répétant à chaque coup la même phrase jusqu’à la lui crier aux oreilles. Il se relève et s’apprête à empaler le RICHE avec le tisonnier, puis il se ravise, jette le tisonnier contre une étagère garni de bibelots en verre qui se brisent dans un vacarme infernal. Le RICHE entr’aperçoit le VOLEUR partir tranquillement. Il se contorsionne de douleur et émet des sanglots convulsifs.

 

Le FLIC est chez lui, il étudie des listes de conversations téléphoniques. Un magnétophone est posé à côté de lui. Il appelle la FEMME DU FLIC pour lui demander un café. Personne ne répond. Il se rappelle qu’elle est chez le COMMERCANT avec l’AMI DU FLIC pour son projet humanitaire.

Le FLIC se lève et va dans la cuisine en maugréant. Il prend un paquet de dosettes et se rend compte qu’il est vide. Il ouvre un placard, cherche un peu puis en prend un autre sans le regarder attentivement. En déchirant l’emballage en aluminium de la dosette, le FLIC s’aperçoit qu’il s’agit en réalité d’une boîte de préservatifs.

Il extrait le plastique de son emballage, le froisse entre ses doigts et le jette violemment contre un mur où il reste collé.

 

Devant le local du COMMERCANT, un étal a été installé. Une grosse poignée de personnes est agglutinée devant. Parmi elles, l’AMI DU FLIC et la FEMME DU FLIC, qui organisent la distribution des vivres et des couvertures ; la FEMME SEULE, qui déambule pensivement dans les rayons à l’intérieur de la supérette ; et DOUBLE-JEU, qui regarde le tout amusé. Les autres sont surtout des réfugiés et des sans-abri venus profiter d’un repas chaud.

Le COMMERCANT s’approche de la FEMME SEULE et lui annonce, gêné, qu’elle peut prendre ce qui lui fait envie dans son magasin. La FEMME SEULE répond qu’il aurait été plus judicieux de la prendre en pitié avant, qu’elle n’a plus besoin d’aide ni d’argent maintenant. Le COMMERCANT est rouge de honte. La FEMME SEULE part.

Le FLIC arrive depuis le bout de la rue en criant à l’intention de l’AMI DU FLIC.  DOUBLE-JEU l’interpelle avec ironie, en le questionnant sur sa situation financière pour courir ainsi à une œuvre caritative. Le FLIC ne l’entend pas et se rue sur l’AMI DU FLIC. Il essaye de lui distribuer des coups de poing, mais l’AMI DU FLIC se protège tant bien que mal.

DOUBLE-JEU tient solidement le FLIC sous les épaules, relève ses bras et le tire en arrière en lui conseillant joyeusement de ne plus se donner en spectacle, car c’est malsain pour l’image de la police. Le FLIC invective la FEMME DU FLIC, la traite de tous les noms. Elle se cache derrière l’AMI DU FLIC, honteuse de vivre cette scène devant tant de témoins. DOUBLE-JEU s’amuse à répéter les propos du FLIC en les tournant à la dérision.

L’AMI DU FLIC essaye de raisonner le FLIC, sans succès. Celui-ci, un peu calmé, annonce à la FEMME DU FLIC qu’il va faire ses valises. DOUBLE-JEU le lâche.

 

Chez lui, dans son bureau de faussaire, DOUBLE-JEU travaille sur plusieurs lettres. L’une d’entre elles est déjà dans son enveloppe.

L'enveloppe porte le sigle de la DASS et l’adresse de la FEMME SEULE y est écrite. La deuxième lettre est imprimée et ornée du cachet du Ministère des Finances. Il finit d’en écrire une troisième à la main, qu’il glisse dans une enveloppe affranchie destinée au FLIC. Satisfait de son travail, il fait défiler les trois enveloppes devant lui, et avec, caresse un bonsaï posé à côté. Près du bonsaï reposent une pile d’enveloppes identiques à celle que la FEMME SEULE reçoit de la part de son admirateur secret. Un parfum à la rose est posé sur les enveloppes.

 

Dans la fosse d’une salle de concert bardée d’effets de lumières et de fumée, l’ENFANT danse ; le PROF l’accompagne mais ne semble pas à son aise : le style de musique est dérangeant, ils sont placés trop près des enceintes et il a mal aux oreilles, il est sans cesse poussé par des inconnus aux faciès grimaçants. Les enfants représentent une part non négligeable du public.

Près de lui, un homme s’écroule, mais personne ne cherche à l’aider. La foule danse, enivrée, au rythme de la musique. Une deuxième personne tombe et se fait piétiner par ses voisins. Un petit attroupement s’est formé à côté du PROF. La musique s’intensifie. D’autres personnes trébuchent comme des ivrognes et s’affalent lourdement par terre.

L’éclat d’une lame se reflète un instant avant de disparaître. Un autre danseur s’écroule. Le PROF interrompt la danse frénétique de l’ENFANT en le saisissant par les épaules et l’emmène plus loin.

 

Dans une station de métro, l’ENFANT parle du concert, tout content. Son asthme ne lui a causé aucun problème. Le PROF est plus mesuré dans ses propos. Il regarde autour de lui ; le rail de la ligne crisse au loin et la lumière du métro éclaire le tunnel.

Tout à coup, un homme implore de l’aide sur leur gauche. Il se fait sauvagement poignarder par un Batini, et personne ne réagit. La foule détourne le regard vers le métro tout proche. Tous ont un regard vitreux, proche de la zombification.

Le PROF bondit sur ses pieds, il pousse l’ENFANT et lui dit de s’enfuir. Ensuite, il se précipite vers le Batini et crie aux gens d’aider le malheureux. Ce dernier est déjà mort. Le Batini s’en désintéresse pour attaquer une deuxième personne.

Le métro est à l’arrêt, et comme s’il ne se passait rien, tout le monde rentre dedans.

Le PROF tente de sauver la deuxième victime, mais le Batini pousse le corps de l’homme sur le PROF, qui, surpris, tombe à la renverse. Il écarte le corps et se relève, juste à temps pour repousser le Batini qui lui fondait dessus. Les portes du métro se ferment et il redémarre.

Le Batini relève la tête, et le PROF reconnaît l’APPRENTI. Sous le choc, il n’esquive pas à temps l’assaut suivant de l’APPRENTI. Le couteau à lame barbelée s’enfonce dans son ventre, et commence à fouailler sa chair. Le PROF s’écroule. L’APPRENTI s’installe sur son dos, puis lui tire les cheveux pour dégager sa gorge avant de plaquer son couteau contre celle-ci. Sur le quai d’en face, les quelques personnes restantes ne manifestent aucune émotion.

A l’autre bout de la station, L’ENFANT entend l’ultime cri d’agonie du PROF. Il est en train de faire une crise d’asthme particulièrement violente.

 

Partie VII - J+65

 

La MERE DU PROF est penchée au dessus d’un caniveau. Recroquevillé au fond de celui-ci, le PRETRE se mord nerveusement le pouce. Sa robe est crottée, souillée, et ses cheveux sont en pagaille. La MERE DU PROF tente de le réconforter avec des paroles rassurantes sur le Seigneur et les bienfaits qu’il répand sur le monde.

Soudainement, elle relève la tête. Ses yeux se voilent et elle murmure que son fils vient de mourir. Le PRETRE se relève de son caniveau en éclatant d’un rire sardonique, et déclame que c’est évident qu’il soit mort, qu’ils vont tous mourir, et que Dieu n’est qu’une lubie, qu’un fantasme.

La MERE DU PROF s’éloigne de lui à pas lourds. Au centre de l’attention, le PRETRE prend une pose théâtrale et s’improvise annonciateur de la fin du monde.

 

Dans le métro, DOUBLE-JEU est penché au-dessus du gamin. Il lui fait inhaler son médicament, et lui dit qu’il va l’aider à rentrer chez lui.

 

Dans la supérette du COMMERCANT, tard dans la nuit, tout est calme. Le volet roulant de l’entrée se relève dans un vacarme assourdissant, puis la porte s’ouvre. La bande de vandales pénètre dans le magasin.

Le COMMERCANT se relève de derrière le comptoir, hurle qu’il les attendait. Son arme paralysante en main, il règle le bouton sur la puissance maximale, et tire. Un rayon bleu glacial transperce l’obscurité et touche un des cambrioleurs. Celui-ci est saisi de spasmes, il s’écroule par terre. Les autres décampent.

Le COMMERCANT est content de lui, quand soudain il entend le cambrioleur à terre, murmurer « papa, aide moi. ». Il se précipite vers l’homme, s’agenouille devant lui et se rend compte qu’il n’est autre que le VOLEUR.

Le visage baigné de larmes, le COMMERCANT serre le VOLEUR dans ses bras et lui dit qu’il n’est que sonné, qu’il ne va pas mourir. Il se remémore les paroles du vendeur. Entre ses bras, le VOLEUR a un dernier sursaut, puis sa tête tombe en arrière. Il est mort.

Les épaules voûtées, le COMMERCANT se relève, regarde le VOLEUR, et s’excuse de son geste. Il va dans un coin de son magasin, se saisit de barils d’huile de vidange et les renverse sur le sol ; il prend ensuite une bouteille d’alcool pour barbecue et s’en verse allègrement sur le corps. Le COMMERCANT gratte une allumette et met le feu à son magasin.

 

Le matin, la FEMME SEULE se réveille. Elle tapote sur la deuxième place du lit pour chercher le PROF, mais le lit est vide. Elle se lève, appelle le PROF, puis l’ENFANT. Elle va voir dans la chambre de l’ENFANT, qui est vide.

La FEMME SEULE boit son café en triant son courrier. Elle téléphone à la MERE DU PROF.

La MERE DU PROF dit à la FEMME SEULE que le PROF est mort, et qu’un monsieur de la DASS est venu déposer l’ENFANT chez elle, car les mœurs de la FEMME SEULE nuisait à son éducation. C’est elle qui en est responsable dorénavant.

La FEMME SEULE commence à nier ses paroles en riant, puis le trouble l’envahit et son rire devient moins convainquant. Tout en parlant, elle ouvre ses lettres. Elle commence à protester contre la MERE DU PROF, et à lui réclamer l’ENFANT, puis elle s’interrompt en ouvrant la lettre de la DASS qu’a fabriqué DOUBLE-JEU.

A l’intérieur, il est écrit noir sur blanc que la garde de l’ENFANT sera confiée à la MERE DU PROF sur demande volontaire de sa part, à cause de la profession honteuse de la FEMME SEULE et de son incapacité à offrir à l’ENFANT un confort financier. La FEMME SEULE raccroche et relit la lettre avec des yeux écarquillés.

Une deuxième feuille est jointe en annexe. C’est la deuxième lettre de DOUBLE-JEU, celle qui comporte le cachet du Ministère des Finances. Il est écrit dedans qu’un contrôle a révélé que sa maison était en hypothèque depuis plusieurs années, et qu’elle avait d’anciennes dettes dont les intérêts augmentaient.

La FEMME SEULE murmure que c’est totalement faux, renverse son bol de café puis cache son visage dans ses mains.

 

Au poste de la police judiciaire, le FLIC montre à ses collègues la lettre de DOUBLE-JEU. C’est une lettre anonyme qui lui propose un marché : lui présenter un complice des Batinis en échange de la promesse du FLIC de venir seul, lui et personne d’autre.

De plus la lettre demande au FLIC de lui fournir trois billets d’avion à destination des Etats-Unis pour la semaine prochaine. L’auteur de la lettre rajoute qu’il est au courant de l’existence de vols privés malgré les suppressions des compagnies à cause des Batinis. Les billets doivent être envoyés dans une enveloppe banalisée à deux adresses différentes mentionnées dans la lettre. Pour accepter, le FLIC doit appeler à une cabine téléphonique dont le numéro est indiqué, et cela avant un délai de dix minutes à compter de maintenant.

Après réflexion, le FLIC est d’accord pour venir seul, même si ses subordonnés soupçonnent la lettre de n’être qu’un canular. Le FLIC leur demande d’obéir à la demande de l’auteur de la lettre de fournir les places d’avion, car au besoin ils pourront faire surveiller cet avion. Il appelle à la cabine. Quelqu’un décroche et avec un déformateur de voix, lui demande de se rendre ce soir, seul dans un entrepôt dont il donne l’adresse. L’homme raccroche.

 

Le soir venu, près de l’entrepôt, le FLIC attend. Il surprend une camionnette blanche qui s’arrête devant l’entrepôt, puis un homme en descend. Une deuxième personne postée devant la porte le salue avec un accent campagnard prononcé.

Le FLIC bondit vers les deux hommes en leur criant de ne pas bouger, qu’il est de la police. L’homme de l’entrepôt s’enfuit sans tarder, et l’homme de la camionnette reste sur place.

Le FLIC ne s’occupe pas de l’homme qui s’enfuit et braque son pistolet sur la tempe de l’homme de la camionnette. De l’autre main, il lui introduit de force un écarteur de mâchoire pour l’empêcher de se suicider. Le FLIC dit à l’homme de se retourner lentement. L’homme s’exécute, et le FLIC reconnaît l’AMI DU FLIC.

Avec un sourire mauvais, le FLIC lui annonce qu’il est en état d’arrestation, mais l’AMI DU FLIC rétorque qu’il connaît le métier et que le FLIC n’a surpris aucune action illégale. Le FLIC répond en riant, qu’ils ne sont que tous les deux ici, et il lui décoche un coup de poing avec la crosse de son revolver en l’insultant.

 

Dans le nouvel appartement du FLIC, le FLIC parle au téléphone tout en mangeant un sandwich sur le rebord de sa fenêtre. La plupart des meubles sont encore couverts d’un drap blanc, et quelques cartons traînent sur le sol.

Au téléphone, un policier lui dit qu’ils ont encore interrogés l’AMI DU FLIC, et que celui-ci a commencé à révéler des informations. L’AMI DU FLIC affirme que c’est un homme, pas celui qui s’est enfui de l’entrepôt mais un autre qu’il n’a jamais vu, qui lui a montré l’entrepôt. Cet homme les a mis en relation, l’homme de l’entrepôt et lui, pour que l’AMI DU FLIC puisse utiliser les soi-disant anciens stocks de l’armée que cet entrepôt contient, afin de créer son œuvre humanitaire. En échange, l’AMI DU FLIC a dû fournir certains renseignements à l’inconnu, mais il refuse d’en dire plus sur ce sujet. Par ailleurs, rajoute le policier, l’AMI DU FLIC n’a pas de dents creuses.

Le FLIC répond que l’homme dont parle l’AMI DU FLIC est certainement le même qui l’a piégé en envoyant la lettre. Il ordonne de poursuivre l’interrogatoire en n’hésitant pas à bien appuyer leurs coups. Il raccroche.

Le FLIC continue à manger son sandwich en soupirant. Il aperçoit un pigeon sur la corniche près de lui. Le FLIC jette un petit bout de pain entre le pigeon et lui. Le pigeon s’approche pour manger le pain.

En le regardant plus attentivement, le FLIC s’aperçoit qu’un message est attaché à sa patte. Il jure bruyamment de surprise, ce qui a pour effet de faire reculer le pigeon. Le FLIC se reprend, et attire à nouveau le pigeon avec du pain, lentement, sans faire de gestes brusques. Il le fait rentrer dans l’appartement, puis ferme la fenêtre et s’empare du message fixé sur la patte.

Il décachette le message et veut le lire, mais celui-ci est codé avec des symboles. Alors, il va chercher sa mallette avec le pigeon sous le bras, l’ouvre et en sort un petit capteur qu’il colle sous son plumage. Il rouvre la fenêtre et jette le pigeon.

Le FLIC allume son GPS ; un point rouge désignant la position du pigeon apparaît sur la carte. Il rappelle le bureau de la police judiciaire, demande à ce que le nécessaire soit fait pour que toutes les forces de police et les troupes militaires disponibles se tiennent prêtes à intervenir ce soir. Il s’explique en ajoutant qu’il piste en ce moment un mouchard et qu’avec un peu de chance, il les mènera aux Batinis.

 

*

 

Le soir, juste après le coucher du soleil, une importante force policière et militaire d’un millier d’hommes marche vers le piton où est caché le camp Batini. Le FLIC marche en tête, escorté de deux policiers en armure et bouclier. Son GPS indique que le pigeon s’est posé sur le piton. Il indique aux hommes que c’est ici. L’obscurité commence à tomber.

Ils arrivent à l’entrée du défilé quand un des policiers avertit qu’un homme est posté au sommet du piton. Le FLIC lève les yeux. L’homme se tient au bord du canyon, écarte les bras, et saute dans le vide sans pousser le moindre cri ; il s’écrase lourdement sur le sol devant le FLIC. Sur son dos nu, un message est écrit au charbon : « Nous ne craignons pas la mort ».

Un flottement se produit dans les rangs des policiers. Un deuxième Batini tombe et atterri à côté du premier. Sur son dos, il est écrit « Et vous ? ». Quelques gémissements inquiets s’échappent de la bouche des policiers.

Le FLIC hurle à ses hommes de ne pas se laisser impressionner par des drogués, et de rester sur leur garde car ces Batinis ne reculeront devant rien.

L’avant-garde des militaires revient et signale que c’est la seule entrée, et qu’il ne semble pas y avoir de guetteurs. Le FLIC répond avec ironie et en montrant du doigt les deux corps à terre, que leur arrivée n’est plus tellement un secret. L’avant-garde s’engage dans l’entrée du défilé, suivie du FLIC et du reste de la force.

 

Une fois arrivée à la cascade, les militaires ne mettent que peu de temps à trouver le rideau qui masque l’entrée de la vallée. L’avant-garde l’écarte et pénètre dans la vallée.

Les premiers rangs sont littéralement fauchés par une grêle de flèches. Les Batinis attendent de pied ferme les forces de l’ordre. Depuis l’arrière du défilé, des cris parviennent et les forces de devant sont poussées vers l’extérieur : une fumée étouffante, mêlée de vapeurs de souffre remplit l’intérieur du défilé et aveugle les hommes. Le FLIC crie qu’ils sont pris au piège, et entraîne les militaires à pénétrer dans la vallée.

Dans un semblant d’organisation, les militaires ignorent leur perte et se déploient près de l’entrée de la vallée. Ils commencent à ouvrir le feu sur les Batinis postés devant eux. Ils couvrent le passage de leurs compagnons, et de plus en plus de soldats rentrent dans la vallée. Les Batinis se replient.

De nombreux policiers suffoquent à l’intérieur du défilé. Ils toussent et crachent du sang. Quelques uns ne s’en remettent pas.

Les forces de l’ordre avancent en ordre vers le centre de la vallée, au niveau du puit. La nuit est totalement tombée à présent. Les différentes unités couvrent mutuellement leurs flancs.

Soudain, des flèches éclairées fendent la nuit et atterrissent au centre de la vallée. Les soldats sont totalement à découvert et forment des cibles parfaites. Des archers au sommet des pitons surplombant la vallée tirent sur les policiers. Une flèche fuse aux oreilles du FLIC.

Le FLIC ordonne aux snipers de s’occuper des archers. Un duel à distance s’engage entre eux. Les snipers sont beaucoup plus précis mais les archers ont pour eux le choix des cibles et l’espace de repli que leur offre le surplomb.

Un des snipers vise un archer, et avec sa lunette, le voit pointer son arc vers lui. Il tire et l’archer tombe à la renverse mais il a eu le temps de décocher sa flèche, qui fond droit sur le sniper et le tue aussitôt.

Pendant que les snipers s’occupent des archers, les Batinis ont jeté des fumigènes au bord des zones de lumière que créaient les flèches éclairantes. Ils se ruent comme un seul homme sur les forces de l’ordre, qui tirent à l’aveuglette pour tenter d’endiguer leur assaut. La lutte s’est transformée en un corps à corps sans merci où les Batinis sont sans conteste à leur avantage.

Un Batini saute comme un animal sur un policier et le tue proprement d’un coup de poignard. Il tente d’attaquer le FLIC mais celui-ci l’a vu, et lui explose la tête à bout portant.

Pendant ce temps, un commando de Batini s’est infiltré sur l’arrière des lignes des policiers. Ils surinent un par un les soldats qui dans la fureur du combat ne se rendent compte de rien. A l’avant, les forces de l’ordre tentent une percée vers la falaise en à-pic pour sortir du champ des fusées et profiter du couvert des bâtiments

Un des militaires voit un Batini courir vers lui. Il tire mais il entend le canon de son arme s’enrailler. En proférant un juron, il dégaine de son étui un couteau à cran d’arrêt. Il encaisse le choc de la charge du Batini. Les deux hommes entament un duel sauvage au couteau. Ils tentent de se déséquilibrer mutuellement à coups de pieds, recherchent la moindre ouverture chez l’autre. Le militaire bute contre une pierre et tombe.

Le Batini se jette sur lui en poussant un cri inhumain, couteau brandi. Le militaire lui jette une poignée de sable au visage et culbute sur le côté en se remettant à genoux dans le même mouvement. Il plante fermement son couteau dans la colonne vertébrale du Batini ; celui-ci se cambre de douleur et s’écroule. Le militaire récupère son couteau, lui donne un coup de pied dans les côtes et lui crache dessus.

Le commando de Batini infiltré sur l’arrière des lignes a été repéré. Il tente de se replier mais tous les membres sont fusillés sans pitié.

A l’avant de l’armée, le FLIC et quelques autres sont parvenus au niveau des bâtiments du fond de la vallée. Le FLIC demande à trois militaires de l’accompagner dans la plus grande maison, celle qui a un étage, et aux autres de se retrancher sous le porche d’entrée et de les couvrir. Le FLIC et les trois hommes désignés se mettent à courir jusqu’à la maison pendant que leurs compagnons les protègent en délivrant une pluie de balles.

 

Partie VIII - J+66

 

Le PATRON est assis, dans son bureau. L’APPRENTI est debout face à lui, au milieu de la pièce, les mains croisées derrière son dos. Une petite clochette suspendue à un fil tinte légèrement à quatre reprises. Le PATRON dit d’un ton amusé à l’APPRENTI que des gens ont réussi à rentrer.

Il demande à l’APPRENTI d’aller s’occuper de ces quatre importuns. L’APPRENTI blêmit, bégaye qu’ils sont armés, et qu’ils vont le tuer. Le PATRON se lève dans un accès de rage en défiant l’APPRENTI : s’il a peur de mourir, qu’il l’affronte lui. L’APPRENTI répond que non d’une voix mal assurée et sort.

 

Le FLIC et ses trois compagnons sont dans un séjour éclairé avec des lampes à huile. Le FLIC leur explique qu’ils sont là car d’après les documents qu’il a lus, il est persuadé que cette organisation est très hiérarchisée ; dans cette maison se terre certainement le responsable de ce camp. Le FLIC leur demande d’agir avec la plus grande prudence.

Ils conviennent de se séparer en deux groupes : deux des militaires empruntent l’escalier pendant que le FLIC et l’autre policier passent par la grande porte du rez-de-chaussée. Le FLIC donne un micro discret à l’un des deux militaires et lui recommande de ne pas hésiter à s’en servir.

 

L’escalier débouche sur deux pièces spartiates et sombres, en enfilade. Dans la pièce du fond, l’APPRENTI inspire et expire précipitamment pour essayer de se calmer. Il entend les militaires grimper l’escalier, et avale sa salive bruyamment.

L’APPRENTI se glisse dans une imposante armoire vide située en face d’une grande plaque de bois. A l’intérieur de l’armoire, un levier commande l’ouverture du panneau de bois en face de lui. Il l’active et le panneau coulisse pour dévoiler une autre pièce dans laquelle scintille la flamme d’une bougie.

L’APPRENTI s’empare d’un petit fumigène dans une de ses poches intérieures, le jette dans la troisième pièce et referme le panneau de bois. Il laisse entrebâillée la porte de l’armoire.

 

Les deux militaires arrivent en haut de l’escalier. Ils entendent le panneau de bois coulisser à nouveau et aperçoivent la flamme de la bougie créer des ombres dansantes sur l’armoire où est caché l’APPRENTI. Pensant que quelqu’un est dans l’autre pièce, ils accélèrent.

Le premier militaire pénètre dans la pièce. A ce moment là, le fumigène explose, masquant la lumière de la bougie. Le militaire a un mouvement de recul, mais le panneau coulissant se referme derrière lui.

Le deuxième militaire tambourine sur le panneau pour l’enfoncer. Derrière, l’APPRENTI sort sans bruit de son armoire et le surine.

L’APPRENTI se penche à l’intérieur de l’armoire pour réactiver le levier. Le militaire resté dans la pièce sort en toussant, trébuche sur le corps de son camarade et tombe. L’APPRENTI, plaqué contre le mur à côté du panneau de bois, saute sur lui et l’égorge.

Il ouvre la seule fenêtre de la pièce. La fumée du fumigène commence à sortir par là, envahissant la pièce où se trouve l’APPRENTI. L’APPRENTI sort une bobine de fil épais d’une poche et se dirige vers l’escalier.

 

Le FLIC et son compagnon sont au rez-de-chaussée. Ils retournent dans le séjour depuis la grande porte, le FLIC essaye de joindre l’autre groupe avec son micro.

Soudain, ils entendent des coups de feu provenant du premier étage. Ils se précipitent vers les escaliers, croyant que les militaires ont besoin de leur aide.

 

Accroupi près de la fenêtre, l’APPRENTI est en train de tirer en rafale vers le ciel avec l’arme d’un des deux militaires. Il s’arrête et jette l’arme dans un coin.

 

Le FLIC est en tête dans l’escalier. Il bute contre un gros fil tendu en travers d’une contremarche et s’affale la tête la première sur le nez d’une marche. Il pousse un cri de douleur ; son compagnon lancé dans son élan le dépasse, se retourne et lui demande s’il va bien.

Agacé, le FLIC lui fait comprendre d’un signe de la main de ne pas s’arrêter. Pendant que le FLIC se relève, le policier poursuit sa course jusqu’à l’étage, traverse la première pièce et ouvre la porte pour entrer dans la seconde.

Là, le policier voit les corps des deux militaires. Il regarde tout autour de lui, prêt à tirer. Au-dessus de lui, juché sur une poutre du plafond, bras et jambes écartées, l’APPRENTI le regarde faire. Il se laisse tomber sur le policier et lui plante son couteau dans les omoplates.

Le FLIC est arrivé au sommet des escaliers. Il met l’APPRENTI en joue avec son pistolet et tire à plusieurs reprises. Vivement, l’APPRENTI pivote sur lui-même, tout en tenant le policier pour s’en servir comme bouclier humain. Le policier tressaille sous l’impact des balles. L’APPRENTI ferme la porte d’un coup de pied, laisse tomber le corps sans vie du policier et s’engage par le panneau de bois dans la troisième pièce. Dans celle-ci, une autre porte donne sur le bureau du PATRON.

Le FLIC le poursuit, arrive dans la pièce encore enfumée au moment où l’APPRENTI entre dans le bureau du PATRON ; un coup d’œil du FLIC à son compagnon lui suffit pour comprendre que celui-ci est déjà mort. Il s’engage dans la troisième pièce et ouvre la porte du bureau du PATRON. Son arme est pointée devant lui, il balaye la pièce du regard.

 

Dans le bureau, le PATRON regarde un tableau accroché au mur. Le FLIC lui ordonne de ne pas faire de gestes brusques, et de poser ses mains sur sa nuque. Le PATRON ne bouge pas.

L’APPRENTI, caché derrière la porte, saisit le bras du FLIC, le fait passer dans son dos et de l’autre main, menace sa gorge avec son couteau. Vaincu, le FLIC laisse tomber son arme à terre. Le PATRON dit d’une voix atone à l’APPRENTI de ne pas le tuer. Le PATRON se retourne, un grand sourire aux lèvres, et déclame que décidément, DOUBLE-JEU l’a bien choisi.

Le FLIC a reconnu l’APPRENTI, il est stupéfait de la prouesse que ce gamin vient d’accomplir.

Le PATRON demande au FLIC pourquoi ils détruisent son camp. Le FLIC réplique en demandant au PATRON pourquoi les Batinis agissent ainsi. Le PATRON et le FLIC débattent quelques temps sur les motivations qui poussent l’un à combattre les Batinis, l’autre à les former, chacun ayant le sentiment de « sauver l’humanité ».

Finalement, le PATRON demande à l’APPRENTI de tuer le FLIC. Le FLIC comprend que sa dernière heure est arrivée, son visage se crispe et il ferme les yeux. Il entend un bruit sourd, comme celui d’une lourde pierre qui traînerait sur le sol, et un éclair rouge vif transperce l’obscurité tandis qu’un gargouillement de gorge se fait entendre.

 

Le FLIC rouvre les yeux, l’APPRENTI a relâché son étreinte. Un couteau de lancer est profondément planté dans sa glotte. Ses yeux sont écarquillés. Le FLIC regarde le PATRON. Celui-ci est fermement tenu par DOUBLE-JEU. Il semble ne pas s’être débattu. DOUBLE-JEU surine la PATRON sans sourciller.

Derrière DOUBLE-JEU, une porte secrète dévoile un perron donnant directement sur la falaise. Une nacelle est suspendue au bord de la falaise. DOUBLE-JEU dit en riant au FLIC qu’il était revenu pour tuer l’APPRENTI, car celui-ci était au courant de trop de choses. Il ne s’attendait pas à ce que le FLIC découvre si tôt la vallée, et n’avait pas l’intention de tuer le PATRON, mais il est ravi d’avoir sauvé le FLIC. Entre temps, le FLIC a ramassé son arme, et braque DOUBLE-JEU.

Il est en colère contre lui car il est persuadé que c’est DOUBLE-JEU qui a entraîné l’APPRENTI vers les Batinis, vu qu’ils étaient toujours ensemble tous les deux. DOUBLE-JEU ne nie pas l’évidence. Le FLIC prévient DOUBLE-JEU qu’il va le tuer.

Mais avant, il demande à DOUBLE-JEU s’il est l’auteur de la lettre anonyme qui dénonçait l’AMI DU FLIC. DOUBLE-JEU répond de manière désinvolte que oui, et qu’il espère que sa petite vengeance a fait plaisir au FLIC. Le FLIC renifle. DOUBLE-JEU explique qu’il a aidé l’AMI DU FLIC en lui montrant où se procurer du matériel destiné aux Batinis. L’AMI DU FLIC a ainsi pu « caresser la FEMME DU FLIC dans le sens du poil en rendant concret son rêve d’aider les gens, et lui a pu réaliser son rêve en caressant les poils de la FEMME DU FLIC dans tous les sens. Bref, ça arrangeait tous le monde ».

Le FLIC l’insulte et appuie sur le chien de son pistolet. DOUBLE-JEU reprend rapidement la parole en levant la main. Il explique au FLIC qu’en échange de ce service, l’AMI DU FLIC lui a révélé un secret sympathique sur le FLIC, que l’AMI DU FLIC était jusque là le seul à connaître. Sous le choc, le FLIC baisse son arme en murmurant une injure à l’intention de l’AMI DU FLIC.

DOUBLE-JEU durcit le ton, et pointe le FLIC du doigt en l’accusant d’être le chauffard qui a renversé le mari de la FEMME SEULE. Il cherchait la FEMME DU FLIC qui n’était pas à la maison ; et effrayé par son acte, ne s’est pas arrêté. DOUBLE-JEU taquine le FLIC avec son doigt en disant qu’il était certain que cette information lui servirait un jour.

Le FLIC relève son arme, et répond à DOUBLE-JEU qu’à présent qu’il sait ça, il n’a plus le choix. DOUBLE-JEU lui dit que si le FLIC tire sur lui, il aura la mort d’une centaine d’innocents sur la conscience : le pilote de l’avion dont le FLIC à fourni les billets est un Batini, et il a reçu l’ordre de s’écraser si DOUBLE-JEU n’était pas à bord de l’avion. Le FLIC dit à DOUBLE-JEU qu’il ment, et DOUBLE-JEU lui demande s’il est prêt à prendre le risque.  Le FLIC regarde attentivement DOUBLE-JEU, et après quelques secondes, accepte de le laisser partir sans chercher à le poursuivre, mais à une condition : l’AMI DU FLIC sera bientôt libéré de sa garde à vue, et le FLIC veut qu’il meure, dans les plus brefs délais.

DOUBLE-JEU s’éloigne, saute sur la nacelle, et répond au FLIC qu’il verra ce qui peut être fait. Il le salue de la main et décroche la ficelle de la poulie.

Le FLIC pousse un gros soupir. Un policier pénètre en courant dans la pièce, et demande au FLIC s’il va bien. Le FLIC ne répond pas. Le policier annonce au FLIC qu’ils sont maîtres de la vallée, et que tous les Batinis sont morts ou en fuite. Aucun n’a malheureusement pu être capturé vivant. Le FLIC félicite leur travail d’une voix sans chaleur.

 

*

 

Dans la maison du FLIC, la FEMME DU FLIC parle avec le FLIC, qui est venu chercher d’autres affaires. Elle tente de justifier son adultère auprès du FLIC : elle jure qu’elle ignorait que l’AMI DU FLIC était complice avec les Batinis ; elle lui explique qu’elle avait peur, que le FLIC n’était jamais à la maison et qu’il la délaissait ; qu’elle se rend compte à présent que l’AMI DU FLIC en a profité ; elle s’excuse et lui dit qu’elle l’aime. Le FLIC ne répond pas, ne la regarde pas.

La FEMME DU FLIC tombe à genoux, l’agrippe par la jambe et implore le FLIC de ne pas la laisser toute seule. Les bras chargés, le FLIC la repousse sans violence avec sa jambe, lui dit « regarde toi » d’un ton chargé de mépris, et s’en va en claquant la porte du talon.

La FEMME DU FLIC reste par terre en pleurant.

 

La FEMME SEULE est devant la maison de la MERE DU PROF. Elle sonne et la MERE DU PROF vient lui ouvrir. La MERE DU PROF la regarde d’un œil glacial avant de lui demander ce qu’elle veut. La FEMME SEULE montre les billets d’avions et lui annonce qu’elle va partir de ce pays, et qu’elle a bien l’intention d’emmener son fils avec elle.

La FEMME SEULE écarte la MERE DU PROF ; elle force le passage pour entrer dans la maison et appelle l’ENFANT.

La MERE DU PROF tente de l’en empêcher, elle lui dit que c’est le monsieur de la DASS qui a dit que l’ENFANT devait vivre ici. La FEMME SEULE rétorque qu’elle « emmerde la DASS et tous les connards de bureaucrates ». La MERE DU PROF et la FEMME SEULE se disputent, en se dirigeant vers le salon.

La MERE DU PROF dit qu’elle a besoin d’avoir un fils car c’est ce que le Seigneur a voulu qu’elle fasse de son existence ; selon elle, c’est à cause de la FEMME SEULE que le PROF est mort, il est donc normal qu’elle prenne l’ENFANT comme la FEMME SEULE lui a pris le sien. La FEMME SEULE la traite de folle.

La MERE DU PROF s’énerve et se saisit d’une statuette en pierre pour frapper la FEMME SEULE. Par colère, la FEMME SEULE pousse la carcasse frêle de la MERE DU PROF avec plus de force qu’elle ne le souhaitait. La MERE DU PROF percute violemment une étagère branlante et surchargée de livres, de CD, de bibelots et d’objets insolites. L’étagère vacille sur son support, puis s’écroule sur la MERE DU PROF. La FEMME SEULE serre les dents en voyant le désastre.

La MERE DU PROF est littéralement ensevelie sous le contenu et les montants de l’étagère. Au dessus d’elle, un tableau se décroche et sa toile se transperce à travers la tête de la MERE DU PROF. Elle gît sans connaissance. Une boîte à « meuh » lui tombe sur la tête et rompt le silence, tandis qu’une grosse peluche mécanique s’agite de manière grotesque à ses pieds.

L’ENFANT appelle la FEMME SEULE depuis l’autre pièce en demandant ce qui se passe. Terrorisée, la FEMME SEULE court à la rencontre de l’ENFANT pour le prendre dans ses bras. Elle lui dit qu’elle aidait la MERE DU PROF à faire le ménage, et que l’ENFANT et la FEMME SEULE vont partir en vacances. L’ENFANT crie de joie, et veut aller dire au revoir à la MERE DU PROF. La FEMME SEULE prétexte qu’ils sont en retard et que l’avion n’attend pas pour sortir précipitamment avec l’ENFANT.

Devant la maison de la FEMME SEULE, pendant que celle-ci range les valises dans le coffre d’un taxi, l’ENFANT regarde la maison du RICHE. A la fenêtre, le FILS DU RICHE le regarde avec de grands yeux tristes. L’ENFANT lui dit au revoir avec la main.

Le PRETRE est au bout de la rue, derrière eux. Une ambulance est garée à côté, et des infirmiers tentent de le faire monter à l’intérieur, mais le PRETRE se débat en hurlant qu’il ne veut pas qu’on l’emmène, qu’il a un message à transmettre à l’humanité.

La FEMME SEULE demande à l’ENFANT de se dépêcher de monter ; docile, l’ENFANT s’exécute en jetant un dernier regard vers la maison du RICHE. Le FILS DU RICHE le regarde partir.

 

Dans la maison du RICHE, le RICHE est à la porte d’entrée, il repousse sèchement des quêteurs qui, en larmes, lui demandent un peu d’argent. Le RICHE claque la porte.

Le RICHE revient s’asseoir à la table du salon. Celle-ci est couverte de liasses de billets, de factures et de relevés de banque. Le RICHE réprimande le FILS DU RICHE en lui disant que ce n’est pas en rêvassant à la fenêtre qu’il aura un avenir radieux, et que le RICHE ne compte pas rester laxiste sur son éducation comme il le fût avec l’APPRENTI. Il lui ordonne de revenir s’asseoir et de l’aider à faire les comptes.

Le FILS DU RICHE pousse un gros soupir, tire les rideaux et obéit à son père.

 

Dans un aéroport quasiment désert, DOUBLE-JEU arrive en courant au seul guichet d’embarquement ouvert, et montre son billet. L’hôtesse d’accueil lui dit qu’il arrive à temps, que le décollage est imminent. DOUBLE-JEU s’excuse de son retard en disant qu’il devait régler une affaire. Il entre dans le sas d’embarquement.

 

Dans une des cellules de garde à vue de la police judiciaire, deux gardiens emmènent sans ménagement un détenu en le tenant chacun par un bras. Le détenu se débat avec force, en hurlant que les Batinis les tueront, eux et tous ceux qu’ils ont un jour aimés.

 Sur un banc de la cellule, l’AMI DU FLIC est étendu sur le ventre ; le manche d’un couteau sort de son omoplate. Sa bouche est ouverte et laisse s’échapper un filet de sang.

 

A l’aéroport, aux Etats-Unis, DOUBLE-JEU aperçoit la FEMME SEULE et L’ENFANT. Il se passe la main dans les cheveux, souffle un grand coup et va la voir. La FEMME SEULE ne le reconnaît pas. Il lui dit qu’ils étaient voisins. Elle lui demande si c’est lui qui lui a envoyé les billets d’avion. DOUBLE-JEU répond que oui, qu’il voulait les aider.

Quand la FEMME SEULE lui demande pourquoi, DOUBLE-JEU lui avoue en rougissant qu’il est l’auteur des lettres parfumées à la rose. Toute cette histoire lui a fait prendre conscience que la vie est courte, et qu’il ne voulait pas la perdre à jamais avant de lui avoir fait savoir à quel point il l’aimait. L’ENFANT a un sourire jusqu’aux oreilles.

D’abord surprise, puis amusée, la FEMME SEULE regarde l’ENFANT et demande à DOUBLE-JEU s’il veut prendre un café. Il sourit, et accepte. Ils s’éloignent.

Au-dessus d’eux, un poste de télévision retransmet un discours du Président des Etats-Unis. Celui-ci annonce au peuple américain que son armée a enfin été levée, et est en ce moment même en chemin pour délivrer le pays de l’oppression des Batinis. Il rend hommage au courage des soldats américains qui risquent leur vie pour que règne la paix mondiale.

 

Dans le salon présidentiel, le Président remercie l’équipe de tournage et se retire dans la pièce voisine. Là, il discute avec un conseiller économique. Il se frotte les mains d’un air ravi en songeant aux bénéfices qu’ils vont pouvoir faire une fois que ses troupes auront nettoyées le terrain et qu’elles seront accueillies en héros par le pays ; car quand ses soldats seront implantées dans le pays déjà saigné à blanc par les Batinis, celui-ci ne pourra diplomatiquement pas refuser aux Etats-Unis la somme mirobolante que le Président compte leur réclamer. Il félicite son conseiller pour ses recommandations judicieuses.

Près de la porte, un garde du corps regarde le Président avec des yeux enflammés.

 

En fin de journée, à l’extérieur de la ville, le garde du corps lance un pigeon dans les airs, un pigeon avec un message attaché à la patte.

Le pigeon entre par la fenêtre dans une cabane modeste en bois, perdue au milieu des montagnes Rocheuses. Un homme saisit le pigeon, détache le message et le lit.

L’homme ouvre la porte de sa cabane et crie qu’il sera bientôt temps pour eux d’agir et de prouver leur courage. Devant lui s’étend un camp d’entraînement aux dimensions quatre fois plus vaste que celui du PATRON, et d’innombrables Batinis acclament l’homme avec des grands cris gutturaux qui résonnent longtemps dans les montagnes.

 

Générique de fin

 



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