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Luc Maskens, Atelier de Roman, Professeur Pierre Efratas
Gorillero !
Extrait du chapitre 3 - La rencontre
Arrivé en Afrique, le jeune journaliste belge Alexandre rencontre Marie-Louise Lafleur, responsable du camp Virunga. Il doit effectuer plusieurs reportages sur l’instabilité de cette région frontalière ainsi que sur les gorilles des montagnes, primates en voie de disparition et récemment protégés dans le parc des Virunga.
Le pick-up roulait à vive allure en direction du Parc National des Virunga. La vitesse de la jeep semblait trancher la savane aride, rocailleuse, baignée d’une forte lumière ambiante et dominée par une végétation sauvage sous les rayons écrasants d’un soleil de saison.
L’engin fit un léger travers sur le chemin accidenté. Anatole souriait, comme s’il jouait avec la puissance de son bolide, puis il accompagna la course d’un troupeau d’antilopes, de buffles et de gazelles.
Alexandre fixait la route, pensif, abandonné dans ses rêves lointains, inondés par le paysage coloré des somptueux volcans éteints. Ils semblaient l’interpeller, par leur grandeur et leur beauté, témoins de la créativité de tout être, là où même le plus réticent des romantiques laisserait un semblant de son âme.
Ils se dirigeaient enfin vers le camp Virunga !
La route fut longue et difficile avant d’arriver dans une vallée de verdure à la dominante émeraude. Au loin, Alexandre aperçu un baraquement qui ressemblait aux gîtes de montagne qu’il avait connu en Europe. La chaleur écrasante de l’air faisait danser les vibrations ondulées avec la terre rouge de la piste.
Anatole stoppa le véhicule de façon franche devant les portes d’un établissement pouilleux. Alexandre jeta un regard sur un écriteau peint à la main et devina les mots « Hôtel des volcans ».
- Pourquoi s’arrête-t-on ici, Anatole, s’inquiéta-t-il sournoisement.
- Deuxième arrêt, m’sieur Alexandre, mais le camp n’est plus très loin. Pas plus d’un quart d’heure.
Le journaliste descendit du pick-up et s’avança d’un pas décidé vers l’entrée du bâtiment délabré.
A l’intérieur, il découvrit un vieil homme, probablement le patron, accoudé sur un bureau abîmé qui semblait dater de l’époque coloniale.
Il le salua.
Anatole entra avec un colis qui semblait correspondre aux attentes du vieil homme. Il le déposa sur le comptoir et le regard fatigué du gérant s’illumina.
- Avec ce que je vous apporte, votre camionnette va retrouver une nouvelle jeunesse, lança Anatole en s’accoudant sur le rebord du bureau principal.
- Anatole, tu as trouvé un démarreur, merci, fit le vieil homme en sortant de la monnaie.
- Je reviens de Kigali, j’ai été chercher M’sieur Alexandre à l’aéroport. Il est arrivé de Belgique hier.
Le vieil homme dandinait de la tête mais ne semblait pas capter tous les mots d’Anatole.
Il esquissa un léger sourire ridé lorsqu’il croisa le regard du journaliste planté au milieu de son hall d’entrée.
Alexandre ouvrit la bouche pour lui répondre mais une voix douce et féminine coupa son élan volontaire.
- Alors c’est vous, le jeune journaliste belge qu’on nous a envoyé.
Alexandre se retourna et découvrit à la dérobée une femme d’une beauté simple, fragile, au visage fin cerné par de longs cheveux châtains tombant sur les épaules, la peau halée semblant respirer la liberté, d’allure féline, distinguée, franche et adulte dans l’expression suave d’un regard bleu azur.
Troublé, il en perdit ses mots et resta sans voix sous la beauté simple de cette aristocrate de la brousse.
Il se reprit et préféra se présenter que de répondre, au risque de bafouiller !
- Alexandre Beaumont, fit-il d’un ton neutre
- Marie-Louise Lafleur, répondit-elle sans attendre, enchanté de vous recevoir parmi nous. Je suis responsable du camp Virunga…
- Vous avez du courage, madame, surtout avec tous les évènements récents en Ituri.
- L’Ituri est en crise. Heureusement, à ce jour, le parc Virunga est encore préservé. Je travaille actuellement avec l’appui du gouvernement français sur le comportement des gorilles face au déboisement de la région…Je me bats pour leur donner un semblant de vie meilleure…
- Malgré une population pauvre pour qui l’environnement est superflu quand la priorité est de survivre, lança le jeune journaliste, un peu par défi.
- Les massacres au Rwanda en 1994 n’ont rien arrangé sur la misère de ces gens mais nous avons réussi à faire de ce territoire, une zone protégée, c’est déjà ça.
- Oui, on m’a parlé de votre action en Belgique, tout le plaisir de cette rencontre est pour moi, madame Lafleur.
- Vous devez être fatigué d’un si long voyage, persifla-t-elle
- J’ai eu l’occasion de me reposer dans le pick-up d’Anatole, avorta Alexandre
- Très bien ! Renchérit-elle. Demain, nous vous amènerons sur les traces des gorilles des montagnes. C’est bien pour cela que vous êtes ici, parmi nous ?
- Entre autre !
- Le trekking d’approche prend 2 à 4 heures et nous ne resterons pas plus d’une heure sur place. Prévoyez un encas et de l’eau, ordonna-t-elle
- Je pourrai prendre des photos ? questionna Alexandre
- Oui, mais sans utiliser votre flash, même si la luminosité est faible, je ne veux pas prendre le risque d’effrayer les animaux.
- Entendu, madame Lafleur.
- Marie-Louise, je préfère ! Prenez une chambre ici car rien n’est prévu pour vous loger au campement.
- Bien, merci Marie-Louise ! A demain, annonça-t-il en observant Marie-Louise avec fascination, comme envahi par un sentiment partagé de tendresse, de paix, de réconfort et de compassion au son de cette voix douce et raffinée mêlé d’un charisme naturel et pétillant.
Elle se retourna et se dirigea vers la porte, la démarche féline.
Elle jeta un dernier regard vers Alexandre puis s’éloigna vers un véhicule situé derrière l’hôtel.
Alexandre resta un instant fixe, le regard dans le vide…
Le vieux gérant de l’hôtel prit les clés d’une chambre et demanda au journaliste de le suivre.
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