Nora Picard, Atelier d’écriture du SITCOM, Professeur Thierry Bourcy
Au Pôle sud
projet de série (52 x 26, Sitcom)
LE THEME
Un frère et une soeur ont ouvert un petit bar marginal et sympa
au centre de Bruxelles. Ils y ont investi toutes leurs économies. Ils doivent
faire preuve d’imagination pour garder le bar ouvert, face à certains habitants
de leur quartier mal intentionnés. Mais ils trouvent des alliés parmi une
poignée d’amis et d’habitués, conquis par l’ambiance conviviale et l’agréable
soutien que leur offre le Pôle sud.
LE DECOR
1 Le Bar : Salle décontractée, avec bibliothèque et piano
plusieurs tables pour plusieurs ambiances, dans laquelle les protagonistes
peuvent se rencontrer.
2 La cuisine : Attenante au bar, pour les conversations et indiscrétions plus
intimes.
3 La chambre-à-coucher : Au premier étage, lieu plus particulier aux
personnages principaux (le frère et la soeur).
LES PERSONNAGES PRINCIPAUX
RAPHAEL : le frère (23 ans)
Raphaèl a 23 ans. Il a fait une école hôtelière. Il joue du piano.
Il
s'habille de façon assez classique : jeans, tee-shirt.
Il a souvent des
idées assez saugrenues, mais toujours fondées.
Il est tendre, pas sûr de
lui, a son petit succès.
Du point de vue des amours, il expérimente ...
Il est assez attentif aux ragots.
CARMEN : la soeur (22 ans)
Carmen a 22 ans. Elle a fait une école d'arts plastiques.
Elle s'habille
à la façon artiste, mais avec bon goût.
Elle a beaucoup plus les pieds sur
terre que Raphaèl, tout en restant ouverte d'esprit.
Elle sort avec Alex.
Bien que celui-ci vienne souvent au Pole Sud, ils ne vivent pas officiellement
ensemble (Alex se cherche encore). Carmen a beaucoup de succès, mais elle est
très amoureuse d'Alex, et n'en profite pas.
Elle est beaucoup plus mature
que les autres et elle attend patiemment qu'ils s'assagissent.
Elle
n'accorde aucun intérêt aux ragots.
Carmen et Raphaèl sont d'origine espagnole. Ils ne voient pas souvent leurs
parents car ceux-ci voyagent énormément pour leur travail.
Carmen et Raphaèl sont très proches l'un de l'autre, et malgré quelques
différents passagers, ils finissent toujours par tomber d'accord.
LES PERSONNAGES SECONDAIRES
La voisine chiante : Madame GENEVIEVE
Madame Geneviève est vieille fille mais veut qu’on l’appelle Madame.
A 55
ans, elle est retraitée. Elle était femme de ménage dans un laboratoire, elle
était donc “laborantine”.
Elle a des cheveux blonds platines, permanentés.
Elle est petite et boulotte. Ses yeux ont du charme. Par tous les temps, elle
porte un manteau de fausse fourrure.
Elle est obsédée par la propreté,
spécialiste des produits de nettoyage.
Le bar la dérange parce qu’il n’est
pas “net”. Elle essaye de le faire fermer, mais s’y rend malgré tout, tous les
jours.
Elle aime ce bar, mais sa façon d’aimer est d’attaquer.
Le flic de quartier : RENE
René a 50 ans. Il est veuf depuis très longtemps. Il était très amoureux de
sa femme, ne s’est jamais remarié, n’a pas d’enfant.
Grand et gros, il a un
accent bruxellois très prononcé. Aime bien picoller “une” bonne bière.
Sous
ses airs d’ours mal léché, il est très doux. Il aime les jeunes. Il a un rapport
paternel avec Carmen et Raphaèl.
Il est sensé faire rapport à ses supérieurs
des “choses louches” qui se passent dans le bar, mais pourquoi le ferait-il ? Il
s’y sent tellement bien. Il ferme les yeux.
Ne l’aviez-vous pas deviné ? Madame Geneviève rêve secrètement de le
toiletter ...
Le petit ami de Carmen : ALEXANDRE
Alexandre a 25 ans. Il est très maigre, porte des lunettes et une cravate.
Très cultivé et très chic, il est journaliste reporter. (Ceci explique qu’il
ne soit pas souvent là). Il est spécialiste en économie politique.
Il est
aussi spécialiste en psychanalyse, depuis qu’il va s’allonger régulièrement chez
le psy. Il en parle beaucoup, casse un peu les oreilles des autres, lorsqu’il
explique le comportement de chacun de façon freudienne.
Il est très amoureux
de Carmen, mais ne pourra pas vraiment s’engager tant qu’il n’aura pas réglé son
problème de culpabilité.
La copine divorcée : FRANCOISE
Françoise a 27 ans. Elle s’occupe seule de son petit garçon de 8 ans.
Elle est jolie, mais porte toujours un air triste. Elle s’habille de façon
stricte.
Comme elle est ouvreuse de cinéma, son fils passe souvent ses
soirées au Pôle Sud.
Elle parle beaucoup des films qu’elle voit et aussi des
hommes qu’elle rencontre, avec qui c’est toujours la cata.
C’est la
meilleure amie de Carmen.
LE DECOR
1 LE BAR : Arrangé avec le matériel du bord.
Architecture d’intérieur, 1930. Fenêtres qui donnent sur la rue. Eclairage
moderne (spots réglables).
P1 Porte donnant sur couloir (couloir donne sur la rue), d’où on peut
entendre arriver les clients (voix off).
P2. Porte donnant sur la cuisine.
Quatre tables :
T1. Table intime en arrière-plan.
T2. Table centrale.
T3. Table près de la porte.
T4. Table des confidences.
B. Bibliothèque (B.D., magazines)
F1 : fauteuil près de la
bibliothèque
T. Téléviseur
I. Interphone (pour ouvrir la porte de rue aux
clients)
M. Meuble de bar
P. Piano
2 LA CUISINE :
Style à nettoyer à l’eau de javel. Fenêtres donnent aussi sur la rue.
P2 : porte donnant sur le bar.
P3 : porte des toilettes (qui servent
aussi de débarras)
X : indicateur toilettes
T5 : table de cuisine
rectangulaire pour 4 personnes.
F2 : canapé
F3 : fauteuil 1 place.
T6 : table basse entre les deux fauteuils.
R. : réfrigérateur
E. :
cage d’escalier montant dans l’appartement.
3 LA CHAMBRE A COUCHER (1er étage)
Fenêtre sur rue.
Style romantique pour la soeur et sportif pour le frère.
NOTE D’INTENTION
- En cette triste fin de siècle, où, nous nous y
attendions, la culture, pour ne pas la citer, (dans le sens kantien
1
du terme, j’entends), se voit
2 jetée dans un abîme abyssal (et le mot
est faible !), la démocratie à nouveau auto-suicidée et, peut-être est-ce le
pire, les intellectuels traités d’intellos, nous avons voulu créer un sitcom
intellectuel, ellitiste et profondément déprimant
3 afin que l’humain
commun, utilisateur de l’outil télévisuel, se voit
2 confronté à
lui-même et passe enfin de l’ère de la religion à celle de la science,
c’est-à-dire, de l’homme.
Mais, commençons par essayer de définir le sitcom ...
1. Voir note 1325 en fin d’ouvrage.
2. Répétition voulue par les auteurs.
3. Souligné par nous.
- ... dis, t’es pas fou dans ta tête toi ? Nous, on veut d’abord de l’humour,
mais aussi d’la tendresse et d’l’émotion. On veut une chouette ambiance, pour
retrouver nos copains tous les jours. Comme au pôle sud quoi. On veut pas voir
des stars. On veut des gens comme nous, qui travaillent, qui ont des problèmes,
mais qui finissent par s’en sortir, parce qu’ils sont sympa et qu’ils y croient.
- Ah bon ! C’est ça que l’humain commun veut ? Et bien, au nom de la
démocratie, il l’aura !
AU POLE SUD
Raphaèl et le mannequin
1er épisode
PLAN
Acte 1:
- Installation du mannequin
- Visite de Fred
- Alex a
un problème : article à écrire
- Madame Geneviève fait un scandale
- Le
flic refuse d'intervenir
Acte 2 :
- L'armée du salut investit le café
- Fred
revient
- Alex est jaloux
- Le flic vire l'armée du salut
- Le café est
en état de siège
Acte 3 :
- Alex interview Fred
- Intervention du maire
- Une
armée du salut est enivrée - scandale de la chef
- Madame Geneviève raconte
l'histoire du mannequin
Epilogue :
Le mannequin est rhabillé.
SYNOPSIS
Quand Carmen se réveille, Alex n'a pas dormi de la nuit. Quel
article pourrait-il bien écrire pour son journal ? Distraitement, Carmen lui
propose des sujets absurdes. Tout à coup, leur attention est attirée par un
grand bruit venant de la salle du café. Alex qui a très peur croit que c'est un
voleur.
Carmen courageusement descend et découvre Raphaèl en train d'installer un
mannequin de femme dans un coin du bar.
Raphaèl explique que Madame
Geneviève lui a vendu ce mannequin qui traînait dans son grenier et qu'il a
décidé d'en faire un distributeur gratuit de préservatifs.
Carmen trouve
cette idée saugrenue. Mais Alex qui arrive, soutient Raphaèl avec enthousiasme
avant de filer.
Pendant que Raphaèl est occupé à installer les préservatifs, un client
arrive. Carmen le sert et ils entament une conversation à bâtons rompus. Fred
laisse voir que Carmen lui plaît.
C'est alors que Madame Geneviève vient voir l'installation du mannequin.
Distraitement, elle prend un préservatif croyant que c'est un chewing-gum.
Furieuse, elle fait un scandale et s'en va chercher le brigadier.
Carmen, abasourdie reproche de nouveau à Raphaèl l'installation des
préservatifs. Fred amusé s'en va, croisant Madame Geneviève et le brigadier à
qui Raphaèl s'empresse d'offrir un verre.
Le brigadier, partagé, constate l'objet du conflit et refuse d'intervenir.
Madame Geneviève, furieuse, annonce que ça ne se passera pas comme ça.
Quelque temps plus tard, alors que Carmen est montée dans sa chambre, Madame
Geneviève, suivie de deux membres "musicales" de l'armée du salut, fait
irruption dans le café. Tandis que la "chef" bat la mesure et donne les
instructions, Madame Geneviève et la sous-chef, armées de seaux et de
serpillières, nettoient le café de fond en comble, sous le regard ahuri de
Raphaèl et du brigadier : Madame Geneviève a décidé de mettre de l'ordre dans ce
lieu trivial.
Dès qu'un client veut entrer, la chef l'assourdit de sa trompette et le
repousse dehors ("Arrière, chenapan !"). Lorsque Fred tente d'entrer pour
récupérer son parapluie oublié le matin, il a droit au même traitement.
Mais c'est précisément à cet instant que Carmen redescend dans le café et
réagit immédiatement à la situation. Elle tente de raisonner Madame Geneviève,
et n'y parvenant pas, elle demande au brigadier de renvoyer les trois furies. Il
s'exécute et sort lui aussi.
Fred, amusé par la situation, aide Carmen et Raphaèl à "dé"ranger le café,
tout en faisant des commentaires sur la disparition malencontreuse des
préservatifs.
Au moment où Fred ressort, un grand fracas suivi de jurons se fait entendre
de la cuisine : c'est Alex qui est tombé en escaladant la fenêtre de la cuisine.
Il explique qu'à l'extérieur, une armée de femmes bloquent l'entrée et
prétendent qu'elles vont demander aux autorités de fermer le café pour
insalubrité publique et incitation à la débauche.
Carmen et Raphaèl lui font le topo de la situation. Au moment où ils lui
parlent de Fred, Alex devient jaloux : le parapluie que Fred a encore oublié
trône dans la cuisine. Après un long discours sur les actes manqués, Alex repart
: il a peut-être décroché une interview.
Carmen et Raphaèl restent seuls dans le café en état de siège. Comment
vont-ils s'en sortir ?
La "sous-chef" profite du fait que la "chef" et Madame Geneviève sont parties
chez le maire revendiquer leur cause pour venir expliquer à Carmen et Raphaèl
qu'elle est désolée de la situation. Elle accepte de prendre un verre avec eux
et bientôt, toute l'armée du salut se retrouve dans le café à faire la fête.
Lorsque Alex revient, il s'effondre à la vue du tableau : il a donné
rendez-vous dans le café à une personnalité importante de la ville pour
l'interviewer.
La situation empire lorsque la "chef", suivie de Madame Geneviève, revient et
fait un scandale devant la débauche de ses troupes. Elle prétend que le maire a
promis de faire fermer définitivement le café.
C'est à cet instant que Fred passe la porte, accompagné du brigadier, et
qu'il annonce qu'il est lui-même l'adjoint du maire, et que le café, avec son
distributeur de préservatifs, est déclaré café modèle.
Alex qui s'était énervé à la vue de son rival, se calme en entendant son
discours, d'autant plus qu'il réalise que c'était précisément avec lui qu'il
avait rendez-vous pour l'interview.
La chef sort furieuse, ordonnant à son armée de la suivre. Mais les autres
n'obtempèrent pas. Elles préfèrent faire la fête avec Raphaèl et le brigadier.
Alors que Carmen et Alex sont montés pour se coucher, Madame Geneviève vient
s'excuser auprès d'eux. Les larmes aux yeux, elle leur raconte que le mannequin
était celui de sa mère et que c'est parce qu'elle était choquée de l'usage qu'on
en faisait qu'elle s'est emportée et a réagi si violemment.
Carmen touchée annonce qu'on en fera un distributeur de bonbons et que le
distributeur de préservatifs sera installé ailleurs.
SEQUENCIER
01 - CHAMBRE - Int. jour. (1'30")Carmen,
Alex
Lorsque CARMEN se réveille, ALEX est fatigué : au lieu de dormir, il a passé
la nuit à lire un livre passionnant qu'il conseille vivement à CARMEN. De plus,
il est tracassé, car il n'a pas de sujet d'article à écrire. Tout en
s'habillant, CARMEN lui propose des sujets absurdes, ce qui exaspère ALEX. Tout
à coup, leur attention est attirée par un grand bruit venant de la salle du
café. ALEX panique à l'idée que cela peut être un voleur, tandis que CARMEN,
courageuse, descend voir ce qui se passe.
02 - BAR - Int. jour. (1'10")
Carmen, Raphaèl, Alex
CARMEN, inquiète, découvre RAPHAËL en train d'installer un vieux mannequin de
modiste dans un coin du bar. Enthousiaste, il explique que Madame GENEVIEVE lui
a vendu ce mannequin qui traînait dans son grenier et qu'il a décidé d'en faire
un distributeur de préservatifs.
CARMEN trouve cette idée saugrenue, mais
ALEX qui arrive soutient vivement RAPHAËL, avant de s'éclipser ...
03 - CUISINE - Int. jour. (30")
Alex
... dans la cuisine, pour préparer son petit déjeuner. Il désire se faire
cuire des oeufs sur le plat. Il demande à RAPHAËL et CARMEN qui sont toujours
dans le bar, où se trouvent les différents ustensiles, mais le frère et la soeur
lui donnent des réponses contradictoires. Il veut ouvrir un nouveau paquet de
café, mais tout le contenu tombe par terre. Dès qu'il a fini de nettoyer, la
radio annonce qu'il est neuf heures et ALEX se sauve, laissant cuire les oeufs
dans la poêle.
04 - BAR - Int. jour. (30").
Carmen - Raphaèl - Fred - Alex
Au moment où ALEX sort, FRED, un jeune homme très élégant, portant un
parapluie, entre dans le bar. RAPHAËL lui demande son avis sur le distributeur
de préservatifs. FRED répond que c'est une bonne idée et que cela peut servir en
cas de rencontre inopinée, tout en jetant un coup d'oeil concupiscent sur
CARMEN. C'est alors qu'une fumée noire sort de la cuisine. CARMEN s'y précipite
et FRED la suit.
05 - CUISINE - Int. jour. (1'30")
Carmen - Fred
FRED et CARMEN découvrent la poêle en feu.
Après avoir déposé son
parapluie, FRED aide CARMEN à éteindre le feu et à réparer les dégâts, tout en
menant avec elle, une discussion à bâtons rompus, lors de laquelle, FRED laisse
clairement voir que CARMEN lui plaît.
06 - BAR - Int. jour. (2').
Raphaèl - Mme Geneviève - Carmen -
Fred - Le Brigadier
Pendant ce temps, MME GENEVIEVE est arrivée dans le bar pour voir
l'installation du mannequin qu'elle a vendu à RAPHAËL. Tandis que RAPHAËL lui
vante l'originalité de sa trouvaille, MME GENEVIEVE, qui n'a rien compris, prend
distraitement un préservatif, pensant que c'est un chewing-gum. Lorsqu'elle
s'aperçoit de sa méprise, elle se met en colère et s'en va chercher qui de
droit.
CARMEN et FRED attirés par les bruits de la dispute viennent aux nouvelles.
CARMEN abasourdie, reproche de nouveau à RAPHAËL l'installation des
préservatifs. FRED, lui, est amusé par la situation, mais il est temps pour lui
de partir.
Il croise MME GENEVIEVE qui arrive avec LE BRIGADIER, à qui RAPHAËL
s'empresse d'offrir un verre. LE BRIGADIER constate l'objet du conflit, mais il
refuse d'intervenir. MME GENEVIEVE, furieuse, s'en va, annonçant que "ça ne se
passera pas comme ça".
07 - CHAMBRE - Int. jour. (20")
Carmen
CARMEN, dont les vêtements s'étaient salis dans la cuisine, se change dans sa
chambre. Elle aperçoit alors le livre qu'Alex lui a vivement conseillé. Elle
s'étend sur le lit et commence à le feuilleter. Au bout de quelques secondes à
peine, elle s'endort.
08 - BAR - Int. jour. (1'40")
Raphaèl - Le Brigadier - Mme
Geneviève - La chef - Sam
Pendant ce temps, Madame GENEVIEVE, suivie de deux membres de l'armée du
salut, fait irruption dans le café, sous le regard ahuri de RAPHAEL et du
BRIGADIER. Elles ont décidé de purifier le café de tous ses maléfices en
chantant des hymnes religieux et en le noyant sous l'encens. Pendant que LA CHEF
tient la grosse caisse et que SAM joue de la guitare, Madame GENEVIEVE lance les
préservatifs dans toute la salle.
09 - CHAMBRE - Int. jour. (10")
Carmen
CARMEN, réveillée par le bruit, descend voir ce qui se passe.
10 - BAR - Int. jour. (2'30")
Raphaèl - Le Brigadier - Mme
Geneviève - La Chef - Sam - Carmen - Fred
Au moment où CARMEN pénètre dans le bar, Madame GENEVIEVE est en train de
rabrouer FRED, venu rechercher son parapluie oublié le matin. Tout d'abord,
CARMEN tente de raisonner Madame GENEVIEVE, pendant que FRED se faufile, et n'y
parvenant pas, elle demande AU BRIGADIER de renvoyer les trois furies. Il
s'exécute et sort lui aussi.
11 - CUISINE - Int. jour. (2'30")
Carmen - Raphaèl - Fred -
Alex
FRED amusé par la situation accepte l'invitation de CARMEN et RAPHAËL, tout
en faisant des commentaires sur la disparition malencontreuse des préservatifs.
Il part en oubliant de nouveau son parapluie.
Au même moment, ALEX entre par la fenêtre de la cuisine. Il explique qu'à
l'extérieur MME GENEVIEVE et deux femmes de l'armée du salut bloquent l'entrée
et prétendent qu'elles vont demander aux autorités de fermer le café pour
insalubrité publique et incitation à la débauche.
CARMEN et RAPHAËL lui font le topo de la situation. Au moment où ils parlent
de FRED, ALEX devient jaloux : le parapluie que FRED a encore oublié trône dans
la cuisine. RAPHAËL en profite pour s'éclipser dans le bar. Après un long
discours, ennuyeux pour CARMEN, sur les actes manqués, ALEX repart par où il est
entré. Et CARMEN rejoint RAPHAËl dans le bar.
12 - BAR - Int. jour. (2'10")
Carmen - Raphaèl - Sam
RAPHAËL profite du départ de MME GENEVIEVE et de LA CHEF vers la mairie pour
attirer SAM à l'intérieur et lui offrir un verre. Lorsque CARMEN revient de la
cuisine, elle trouve RAPHAEL en train de boire un cocktail, avec SAM déjà
quelque peu éméchée. Petit à petit, sous l'effet de l'alcool, SAM commence à
avouer qu'elle n'est pas d'accord avec les procédés de sa chef et de Madame
Geneviève et qu'au contraire, elle trouve l'installation du distributeur de
préservatifs absolument nécessaire. Elle reprend sa guitare, mais pour jouer
cette fois, un rock endiablé. RAPHAËL l'accompagne au piano, et bientôt c'est la
fête dans le bar.
13 - CUISINE - Int. soir. (20 ") Alex
ALEX revient par la fenêtre de la cuisine et fait des trous dans le parapluie
de FRED, avant de se rendre dans le bar.
14 - BAR - Int. soir. (2'40")
Raphaèl - Le Brigadier - Mme
Geneviève - La Chef - Sam - Carmen - Fred - Alex
ALEX explique à CARMEN, RAPHAEL et SAM, toujours en train de faire la fête,
qu'il a rendez-vous avec une personnalité importante et leur demande d'arrêter,
mais ils refusent. La situation empire lorsque la CHEF, suivie de MME GENEVIEVE,
revient et fait un scandale devant la débauche de son adjointe. Elle prétend que
le maire a promis de faire fermer définitivement le café.
C'est à cet instant que FRED passe la porte, accompagné DU BRIGADIER, et
qu'il annonce qu'il est lui-même l'adjoint du maire, et que le café, avec son
distributeur de préservatifs, est déclaré officiellement café modèle.
ALEX qui s'était énervé à la vue de son rival, se calme en entendant son
discours d'autant plus qu'il réalise que c'était précisément avec FRED qu'il
avait rendez-vous pour l'interview.
Une dispute naît entre la CHEF et SAM, lors de laquelle FRED prend la défense
de SAM. La CHEF s'en va furieuse. Madame GENEVIEVE et le BRIGADIER sortent
aussi. RAPHAËL offre un dernier verre à SAM.
15 - CUISINE - Int. nuit. (1'30")
Carmen - Fred - Alex
Dans la cuisine, ALEX interviewe FRED sous l'oeil attentif de CARMEN. La
discussion se déroule bien et les deux garçons "se réconcilient" se proposant
même de travailler plus souvent ensemble à l'avenir. Après quoi, FRED annonce
qu'il doit partir car SAM l'attend pour sortir avec lui.
16 - CHAMBRE - Int. nuit. (1'30")
Carmen - Raphaèl - Alex
CARMEN, RAPHAËL et ALEX se retrouvent dans la chambre pour faire le point de
la journée : ils n'en reviennent pas de l'attitude de Madame GENEVIEVE. Soudain,
ils entendent retentir la sonnerie de la porte d'entrée.
17 - BAR - Int. nuit. (1'30")
Carmen - Raphaèl - Alex -Mme
Geneviève
C'est MME GENEVIEVE qui est venue s'excuser auprès d'eux. Les larmes aux
yeux, elle leur raconte que le mannequin était celui de sa mère et que c'est
parce qu'elle était choquée de l'usage qu'on en a fait, qu'elle s'est emportée
et a réagi si violemment.
CARMEN, touchée, annonce qu'on en fera un distributeur de bonbons et que le
distributeur de préservatifs sera installé ailleurs.
SCENARIO
01 - CHAMBRE - Int. jour. (1'30")
Carmen, Alex
8h30. Dans le grand lit, ALEX du côté de la fenêtre et CARMEN du côté de la
porte dorment encore. Un gros réveil mécanique se met à sonner de manière
tonitruante. CARMEN l'éteint, puis se lève. ALEX continue de dormir.
CARMEN (gaie)
Il est l'heure de se lever.
ALEX (les yeux toujours fermés)
Hum ...
CARMEN ouvre les rideaux. ALEX se cache sous les couvertures.
ALEX
T'es folle. Tu m'éblouis !
La tête toujours enfouie sous les couvertures, ALEX se saisit à tâtons de
lunettes de soleil (posées sur sa table de nuit, à côté d'un livre et de ses
lunettes correctrices) et les met.
CARMEN
Qu'est-ce que ça serait s'il y avait du soleil ! Tu n'as pas
bien dormi ?
ALEX montre le livre posé sur la table de nuit.
ALEX
Non, j'ai lu toute la nuit. Une fois que tu le tiens, tu peux
plus le lâcher.
CARMEN s'approche de la table de nuit d'ALEX et lit le titre du livre d'un
air sceptique.
CARMEN
"Le concept de répétition dans les séminaires lacaniens."
Quel suspens !
CARMEN commence à trier les vêtements d'ALEX qui traînent par terre et
récupère un jeans.
CARMEN
Quel est ton programme de la journée ?
ALEX se redresse l'air catastrophé et ôte ses lunettes noires.
ALEX
Bon sens, j'avais oublié !
CARMEN
Quoi ?
ALEX
Je dois rendre un article au journal et non seulement je n'ai
pas encore écrit une ligne, mais en plus, je n'ai aucune idée de sujet.
CARMEN qui a fini de trier les vêtements s'assied un moment sur le lit, l'air
rêveur.
CARMEN
T'as qu'à écrire un article sur le bonheur.
ALEX
Comment ça sur le bonheur ?
CARMEN
Eh bien oui : sur le bonheur de se lever le matin. Ou alors,
sur la meilleure façon de ranger ses fringues. Ou, sur la dure condition de vie
des journalistes.
ALEX
Ce n'est pas drôle.
Un grand bruit se fait entendre d'en bas.
ALEX (effrayé)
Qu'est-ce que c'est ?
CARMEN se lève et enfile rapidement un jeans et des tennis.
CARMEN
C'est sûrement Raphaèl.
CARMEN se dirige vers la porte de la chambre.
ALEX
Ce n'est pas possible. Il n'est pas encore levé. Je l'ai
entendu rentrer à cinq heures du mat. C'est sûrement un voleur !
CARMEN ouvre la porte pour sortir.
CARMEN
Eh bien s'il vient te piquer tes idées, il va être déçu.
CARMEN sort.
02 - BAR - Int. jour. (1'20")
Carmen - Raphaèl - Alex
RAPHAEL est en train d'installer un mannequin de modiste dans un coin du bar.
Il a des toiles d'araignée dans les cheveux.
CARMEN
C'est ta nouvelle copine ?
RAPHAEL
Oui, elle cherchait du travail, je l'ai engagée.
CARMEN
On dirait un vieux mannequin de modiste.
RAPHAEL
C'est Madame Geneviève qui me l'a vendue.
Elle traînait
dans son grenier.
CARMEN (remarquant les toiles d'araignée)
Ca se voit !
RAPHAEL (ne comprenant pas)
Ben quoi ? Elle est impeccable.
CARMEN
J'ai pas dit le contraire. Un café ?
RAPHAEL
Bonne idée.
CARMEN se dirige derrière le bar, prenant au passage des cacahouètes du
distributeur après y avoir glissé une pièce.
RAPHAEL met un plateau entre les
mains du mannequin et commence à y placer des préservatifs qu'il sort d'une
boîte posée par terre.
CARMEN (la bouche pleine)
Qu'est-ce que tu fabriques ?
Elle prépare le café dans la machine du bar.
RAPHAEL (démonstratif)
Le SIDA est un fléau. (Il montre un
préservatif qu'il tient en maint. Les gens doivent utiliser des préservatifs.
Alors moi, j'installe un distributeur gratuit. (Il le place dans le plateau). Tu
piges ?
La machine à café fait un énorme bruit.
CARMEN (criant pour couvrir le bruit)
Et tu vas le laisser
là ?
RAPHAEL
Pourquoi pas ? Il est pas beau ?
CARMEN
Ce n'est pas une très bonne idée. Ca peut choquer les gens.
ALEX arrive encore endormi et décoiffé et découvre la nouvelle installation.
ALEX (à RAPHAEL)
Excellente initiative !
RAPHAEL
Je trouve aussi.
ALEX
Et tu vas la laisser là, bien sûr ?
RAPHAEL
Bien sûr.
CARMEN
Moi, je ne suis pas d'accord.
Elle dépose les deux cafés sur le comptoir.
RAPHAEL
Moi si.
CARMEN
Ca serait mieux dans les toilettes.
RAPHAEL
Et pourquoi ?
CARMEN
Tu veux que je te fasse un dessin ?
ALEX (mal à l'aise)
Bon, je vous laisse. Je vais déjeuner.
ALEX se dirige vers la cuisine. Il se trompe d'interrupteur et éteint le bar
au lieu d'allumer la cuisine.
RAPHAEL et CARMEN (en choeur - parlant de
l'interrupteur)
C'est l'autre !
ALEX rallume et entre dans la cuisine.
03 - CUISINE - Int. jour. (1'10")
Alex
Dans la cuisine, dont chaque meuble porte une couleur vive différente, ALEX
allume la radio qui diffuse une chanson de variété.
STTELLLA (chantant off, radio)
Le matin je me verse une
tasse de shampooing, je m'ennuie, ...
ALEX se dirige vers le frigo et en sort du beurre. Ensuite, il ouvre les
armoires pour trouver une poêle, mais les rayons sont remplis de livres classés
par ordre alphabétique. Exaspéré, il élève la voix en direction de CARMEN et
RAPHAEL qui sont restés dans le bar.
ALEX
Je cherche une poêle !
RAPHAEL (off)
Continue !
CARMEN (off)
Derrière Le Château ...
ALEX commence à chercher parmi les livres.
ALEX
Le Château ? Ca c'est Kafka. K... K... K...
RAPHAEL (off, complétant l'indication de CARMEN)
... de ma
mère.
ALEX (soupir)
Le Château de ma mère ? C'est Pagnol ! P...
P... P...
ALEX trouve le livre, le retire. Prend la poêle, allume la cuisinière et y
fait fondre du beurre.
ALEX (à CARMEN et RAPHAEL)
Et les oeufs ?
RAPHAEL (off)
Dans le four.
ALEX regarde le four.
CARMEN (off)
Dans l'évier.
ALEX regarde l'évier. Puis, il regarde le frigo, placé entre le four et
l'évier. Il comprend que les oeufs sont dans le frigo. Il l'ouvre, en sort les
oeufs et les pose à côté de la poêle. A ce moment, la radio émet un Bip.
ANIMATEUR (off radio)
Il est neuf heures. Voici les infos
présentées par Gérard IXELLES.
ALEX (vérifiant sa montre)
Faut que je file !
Il sort de la cuisine, laissant le beurre cuire dans la poêle.
04 - BAR - Int. jour. (1')
Carmen - Raphaèl - Fred - Alex
RAPHAEL et CARMEN, de part et d'autre du bar, terminent leur café. ALEX qui
sort de la cuisine se dirige vers la porte de sortie. Au passage, il ébouriffe
les cheveux de RAPHAEL pour lui enlever les toiles d'araignées.
ALEX (à RAPHAEL étonné)
C'est bon pour les cheveux, les
toiles d'araignées ?
En passant devant le mannequin, il prend un des préservatifs et le met en
poche. CARMEN qui le remarque fronce les sourcils. ALEX lui envoie un baiser. Au
moment où ALEX va sortir, FRED, un jeune homme très élégant, qui porte un
parapluie, entre. Les deux hommes se bousculent. FRED se laisse tomber sur une
chaise.
FRED (poliment)
Veuillez m'excuser.
ALEX
Il y a pas de problèmes !
ALEX sort. FRED s'avance vers le mannequin maintenant éclairé d'un spot.
RAPHAEL (à FRED)
Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que
ça vous choque ?
FRED (regardant le mannequin)
Au contraire, je trouve ça
bien.
FRED regarde CARMEN qui enfile une paire de gants en caoutchouc jaune et fait
couler l'eau pour laver les deux tasses.
FRED (regardant CARMEN)
Et en plus, cela peut s'avérer utile
en cas de rencontre inopinée.
Au moment où CARMEN veut répondre, une épaisse fumée noire s'échappe de la
cuisine, entourant CARMEN.
CARMEN (inquiète)
Qu'est-ce qui se passe ?!
Elle se précipite dans la cuisine et FRED la suit.
05- CUISINE - Int. jour. (1')
Carmen - Fred
CARMEN se dirige vers la poêle pleine de fumée. Le beurre est en train de
brûler.
CARMEN
Mon Dieu !
FRED se dirige vers la fenêtre. Avant de l'ouvrir, il dépose son parapluie
contre le mur.
FRED (ouvrant la fenêtre)
Vous prépariez des oeufs au beurre
noir ?
CARMEN (énervée)
Non ! Moi, je ne mange pas le matin.
CARMEN éteint la plaque électrique, prend la poêle, la place dans l'évier.
FRED y fait couler de l'eau. Cela provoque un grand nuage de vapeur.
FRED
Vous devriez : il faut prendre des protéines au petit
déjeuner.
CARMEN
Je m'en souviendrai.
CARMEN verse du liquide à vaisselle dans la poêle.
FRED
Vous n'avez pas l'habitude de cuisiner, apparemment.
CARMEN ôte ses gants de vaisselle et les dépose près de l'évier.
CARMEN
Ici, ce n'est pas moi qui fais la cuisine.
FRED
Ah, c'est votre ami, celui qui fait une campagne de prévention
contre le SIDA.
CARMEN
C'est bien lui qui fait à manger. Mais, c'est pas mon ami.
Lui, c'est mon frère.
CARMEN sort deux flûtes à champagne d'une des armoires et les dépose sur la
table.
FRED (étonné)
Votre frère ?
CARMEN se dirige vers le frigo.
CARMEN (faisant un geste vers le bar)
Ben oui, RAPHAEL, mon
frère. On tient le café ensemble. (Désignant la bouteille de coca qu'elle
vient de sortir du frigo). Champagne américain ?
FRED (ravi)
O.K.
06 - BAR - Int. jour. (1'20")
Raphaèl - Mme Geneviève
RAPHAEL est en train de prendre les mensurations du mannequin. MME GENEVIEVE
entre, vêtue d'un ciré jaune et de baskets blanches flambant neuves.
MME GENEVIEVE (montrant ses baskets à RAPHAEL)
Regardez ce
que j'ai enfin pu m'acheter grâce à l'argent du mannequin. J'en rêvais depuis
des mois, pour faire mes courses, pour aller au bal de Monsieur le Maire, ...
Mais avec ma petite pension ...
RAPHAEL
Elles sont super Madame Geneviève ! Elles vous vont du
tonnerre. Et le mannequin, c'est un peu comme s'il était encore à vous. Vous
pourrez le voir quand vous voudrez.
MME GENEVIEVE (flattée)
Ah. Vous allez le laisser là.
RAPHAEL (admirant les formes du mannequin)
Bien sûr, il faut
qu'on la voie.
MME GENEVIEVE
Et vous allez l'habiller comment ?
RAPHAEL
Je ne compte pas l'habiller. Je prends juste ses
mensurations parce que je les trouve parfaites. Elle attirera beaucoup plus
l'attention si on ne l'habille pas.
MME GENEVIEVE, un peu éberluée, reste silencieuse.
RAPHAEL (montrant le plateau de préservatifs)
Il faut que
les gens aient immédiatement envie de se servir. Il y en a de toutes les sortes
: vanille, fraises, ... Il faut joindre l'utile à l'agréable, si vous voyez ce
que je veux dire.
MME GENEVIEVE (après réflexion, pensant qu'il s'agit de
chewing-gum)
Ah oui. Pour ceux qui veulent arrêter de fumer.
RAPHAEL (avec un clin d'oeil, pensant qu'il s'agit d'une
feinte)
Vous avez tout compris !
RAPHAEL s'écarte un peu pour avoir une vue d'ensemble du mannequin.
RAPHAEL
Il faudrait lui mettre une perruque. De quelle couleur à
votre avis ?
MME GENEVIEVE prend distraitement un préservatif et commence à le déballer
sans que RAPHAEL ne s'en aperçoive.
MME GENEVIEVE
Blonde. C'est plus chic. Je me souviens, quand
j'étais petite, il y avait une belle dame blonde qui commandait toujours à ma
mère des robes magnifiques.
MME GENEVIEVE ingurgite le préservatif sous le regard ahuri de RAPHAEL.
07- CUISINE - Int. jour. (35")
Fred, Carmen
FRED et CARMEN sont assis à la table de la cuisine et discutent tout en
buvant du coca.
FRED
Moi, j'adore cuisiner. Ma spécialité, c'est le boeuf
Strogonof.
CARMEN
Quelle horreur ! Je suis végétarienne.
FRED (sans se démonter)
Justement, je fais un boeuf
Strogonof sans boeuf. Ca s'appelle ... du Strogonof. Je mets beaucoup d'oignons.
Vous aimez les oignons ?
CARMEN
J'adore ça.
FRED
Alors, il faut absolument que je vous le fasse goûter.
Il est interrompu par des cris venant du bar.
CARMEN
Mais qu'est-ce qui se passe encore ?
Elle se dirige vers le bar. FRED la suit, oubliant son parapluie là où il
l'avait posé.
08 - BAR - Int. jour. (2'30")
Raphaèl - Mme Geneviève - Carmen -
Fred - Le Brigadier
Lorsque CARMEN et FRED arrivent dans le bar, RAPHAEL, mort de rire se cache
derrière le mannequin. MME GENEVIEVE extirpe tant bien que mal le préservatif de
sa bouche.
CARMEN
Vous faites de la magie, Madame Geneviève ?
MME GENEVIEVE (furieuse)
De la magie ? Faire passer des
préservatifs pour des chewing- gum, vous appelez ça de la magie ? Ce n'est pas
moi qui fais de la magie, c'est vous qui faites de l'escroquerie !
FRED lance un sourire entendu à RAPHAEL et doit se retenir pour ne pas
éclater de rire lui aussi.
MME GENEVIEVE (toujours furieuse)
Je vais vous montrer, moi,
ce que c'est de la magie ! Parce que tout ça va disparaître en moins de temps
qu'il ne faut pour le dire. (Elle se retourne brusquement pour se diriger vers
la sortie et fonce dans FRED sans s'en rendre compte). C'est une honte !
FRED se laisse tomber sur une chaise.
RAPHAEL (devenu grave)
Attendez Madame Geneviève, je vais
vous expli...
MME GENEVIEVE (le coupant avant de claquer la porte)
Je m'en
vais chercher ... qui de droit ! Et ça ne se passera pas comme ça !
MME GENEVIEVE sort. CARMEN s'en va derrière le bar.
CARMEN (à RAPHAEL)
Tu vois ! C'est de la provocation ce
distributeur.
RAPHAEL (nouant le mètre ruban autour de la taille du
mannequin)
Et le SIDA, c'est peut-être pas de la provocation ? (A FRED)
C'est pas vrai ?
FRED (regardant l'horloge au- dessus de CARMEN, qui indique 9 h
15)
Nous aurons l'occasion d'en reparler une autre fois, j'espère. Mais
le devoir m'appelle.
FRED se dirige vers la sortie. A ce moment-là, MME GENEVIEVE ouvre la porte
brusquement, tirant LE BRIGADIER par la manche. Cette fois, FRED s'écarte
prestement pour les laisser passer et s'en va.
MME GENEVIEVE (entraînant le brigadier près du mannequin)
Je
vous avais prévenu, BRIGADIER, que vous alliez être choqué. Mais un homme comme
vous ...
LE BRIGADIER regarde tour à tour le mannequin et MME GENEVIEVE d'un air
perplexe. RAPHAEL entraîne LE BRIGADIER vers le bar sur lequel CARMEN est en
train de disposer deux bières et un verre de lait.
RAPHAEL (d'un air entendu)
Venez, Monsieur le Brigadier,
Vous aurez bien besoin d'une petite bière pour vous remettre de votre choc.
CARMEN (trinquant avec son verre de lait)
Santé, Monsieur le
Brigadier !
MME GENEVIEVE (au brigadier)
Vous n'allez quand même pas
rester là à boire, dans ce lieu infâme, sans rien faire ?!
LE BRIGADIER (embêté)
Mais, c'est-à-dire, Madame Geneviève,
que je ne vois pas où est le problème.
MME GENEVIEVE (hors d'elle)
Si même la Justice soutient la
débauche, alors j'irai frapper plus haut.
Et ça ne se passera pas comme ça !
LE BRIGADIER (un peu inquiet)
Plus haut ! C'est quoi, plus
haut ?
MME GENEVIEVE (pointant un doigt vers le ciel)
Celui qui
voit tout.
MME GENEVIEVE sort en claquant la porte.
CARMEN (soupirant)
Maintenant que le calme est revenu, je
vais enfin pouvoir faire ma toilette.
Elle se dirige vers la porte des étages et sort.
LE BRIGADIER tape sur l'épaule de RAPHAEL qui regarde le mannequin d'un air
songeur.
LE BRIGADIER
Ca va aller. (Regardant le mannequin). Moi, je
trouve qu'elle a de belles formes. Un peu comme la nouvelle boulangère de la
Grand-Rue.
RAPHAEL (amusé)
Vous aussi, vous l'avez remarquée ! Ca ne
m'étonne pas de vous, vous êtes un vrai connaisseur, Brigadier.
09 - CHAMBRE - Int. jour. (15")
Carmen
CARMEN qui vient de prendre une douche entre dans sa chambre, une serviette
de bain autour d'elle.
Elle se dirige vers la garde-robe qui se trouve entre
la table de nuit d'ALEX et la fenêtre, pour y prendre la robe qui pend. Au
moment où elle va saisir la robe, elle aperçoit sur la table de nuit le livre
qu'ALEX lui avait vanté. Elle s'assied sur le lit et commence à feuilleter le
livre. Mais immédiatement, elle commence à bailler, tant le livre l'embête et
s'endort.
10 - BAR - Int. jour. (50")
Raphaèl - Le Brigadier - Mme
Geneviève - La Chef de l'armée du salut - Samantha.
LE BRIGADIER et RAPHAEL sont encore au bar.
LE BRIGADIER
Il faut que j'y aille.
Il finit son verre d'un trait. La porte d'entrée s'ouvre brusquement. MME
GENEVIEVE entre, vêtue de la même façon qu'avant. Elle tient en main un
encensoir, qu'elle balance devant elle. Elle est suivie par LA CHEF qui tient
une grosse caisse et par SAM qui porte une guitare (les deux dernières sont
vêtues de tailleurs noirs et portent un képi). Toutes trois sont très
concentrées en entrant.
RAPHAEL
Tiens, Madame Geneviève !
MME GENEVIEVE
Je vous salue Marie ...
LA CHEF
... Pleine de grâce ...
SAM
... Le Seigneur est avec vous.
LE BRIGADIER ne peut s'empêcher de faire un signe de croix. Les trois femmes
vont se placer de part et d'autre du mannequin, tout en continuant de prier,
sous le regard ahuri de RAPHAEL et du BRIGADIER.
MADAME GENEVIEVE
Et Jésus ...
LA CHEF
... Le fruit de vos entrailles ...
SAM
... Est béni.
LA CHEF (à SAM)
Un, deux et trois !
SAM et LA CHEF (chantant faux)
Plus près de toi, Mon Dieu.
Plus près de toi ...
LA CHEF ponctue la chanson de coups de grosse caisse, qui couvrent les
pauvres accords de guitare de SAM, tandis que MME GENEVIEVE se met à lancer les
préservatifs partout dans la salle.
11 - CHAMBRE - Int. jour. (10")
Carmen
CARMEN, toujours assoupie, est réveillée par le bruit de la grosse caisse.
Inquiète, elle se lève précipitamment et saisit sa robe (dans le but de la
mettre avant de descendre voir ce qui se passe).
CARMEN (à elle- même)
On ne peut jamais être tranquille !
12 - BAR - Int. jour. (1'45")
Raphaèl - Le Brigadier - Mme
Geneviève - La Chef - Sam - Fred - Carmen
SAM et LA CHEF sont toujours en train de chanter, tandis que MME GENEVIEVE
finit de couvrir le mannequin avec son imperméable.
SAM et LA CHEF (chantant)
Vivant, mystérieux. Plus près de
toi, ...
FRED pousse la porte pour rentrer. MME GENEVIEVE brandit son encensoir comme
une arme devant le visage de FRED.
MME GENEVIEVE (autoritaire)
Arrière, Chenapan ! Ne venez pas
souiller, ce lieu que nous venons de purifier.
FRED (effrayé)
Mais, Madame, je veux juste reprendre mon
parapluie ...
MME GENEVIEVE lance une poignée de préservatifs à la tête de FRED.
MME GENEVIEVE
Sortez, j'ai dit !
CARMEN, qui vient d'entrer dans le bar, est sidérée par ce qu'elle voit.
CARMEN (à MME GENEVIEVE)
Madame Geneviève ... Qu'est-ce que
vous faites ?
FRED se faufile et va derrière le bar.
MME GENEVIEVE
Je tente de rétablir le bien !
LA CHEF donne un coup de grosse caisse.
CARMEN
En chassant nos clients ? Arrêtez tout de suite, s'il vous
plaît.
MME GENEVIEVE
Ah non ! Vous ne m'empêcherez pas de faire le bien.
Et je ne partirai pas d'ici, tant que la morale n'aura pas le dernier mot.
Coup de grosse caisse de LA CHEF.
CARMEN
Sortez d'ici, Madame Geneviève. Je vous en prie, ne soyez
pas ridicule.
LA CHEF et SAM écrasent les préservatifs qui jonchent le sol, en une sorte de
danse grotesque.
MME GENEVIEVE
Le ridicule ne tue pas. Le péché, lui, entraîne la
mort éternelle !
RAPHAEL (ironique)
Et le SIDA, c'est la mort provisoire ?
MME GENEVIEVE
Je ne partirai pas d'ici !
CARMEN
Si !
MME GENEVIEVE
Non !
CARMEN (au BRIGADIER)
Brigadier, faites-les sortir, s'il
vous plaît.
LE BRIGADIER (fâché, aux femmes)
Allez, venez, on s'en va.
Les trois femmes restent immobiles.
LE BRIGADIER (brandissant des menottes)
Ca va bien,
maintenant. Sortez, ou je vous emmène au poste.
LE BRIGADIER pousse les trois femmes (qui se remettent à prier) dehors et
sort avec elles.
MME GENEVIEVE
Sainte-Marie, Mère de Dieu ...
LA CHEF
... Priez pour nous, pauvres pêcheurs ...
SAM
... Maintenant et à l'heure de notre mort.
LE BRIGADIER (les faisant sortir)
Amen !
13 - CUISINE - Int. jour (2'25")
Carmen - Raphaèl - Fred -
Alex
CARMEN, RAPHAEL et FRED sont assis à la table, buvant une tasse de café.
CARMEN et RAPHAEL sont dépités.
FRED (souriant)
Tout est bien qui finit bien. Elles sont
parties, les trois furies.
CARMEN (tracassée)
Je ne comprends pas MME GENEVIEVE. Elle
est tellement sympa d'habitude.
RAPHAEL (excédé)
Elle a pété les plombs. Ou alors, elle
s'est fait lifter le cerveau.
FRED
C'est quand même dommage qu'elles aient écrasé les
préservatifs. C'était pratique.
RAPHAEL
J'en rachèterai !
CARMEN
Ah non ! Ca ne va pas recommencer !
RAPHAEL
T'inquiète pas, tout ira bien.
CARMEN
Tu es vraiment inconscient !
FRED (terminant son café)
Eh bien, je vous laisse. A
bientôt, j'espère.
RAPHAEL
Et toi, tu as toujours peur de tout.
CARMEN
Et toi, tu fais tout le temps des gaffes.
FRED sort, laissant CARMEN et RAPHAEL toujours dépités.
A ce moment-là, la fenêtre de la cuisine s'ouvre et ALEX entre par ce biais,
tant bien que mal.
CARMEN
C'est une nouvelle façon de se faire remarquer ?
ALEX
Je suis bien obligé de rentrer par là puisque Madame Geneviève
bloque l'entrée, avec ce qui reste des choeurs de l'armée rouge.
CARMEN et RAPHAEL (en choeur)
Quoi ?
ALEX
Elles prétendent même qu'elles vont demander aux autorités de
fermer le café pour insalubrité publique et incitation à la débauche.
CARMEN et RAPHAEL (en choeur)
C'est pas vrai ?!
ALEX
Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que vous avez fait ?
CARMEN et RAPHAEL (en choeur)
Rien !
ALEX
Comment ça, rien ?
RAPHAEL
Non, rien. C'est Madame Geneviève qui a piqué une crise et
voyant le mannequin avec les préservatifs, et elle s'est rappliquée avec les
deux autres pour soi-disant purifier le café.
CARMEN
Et quand Fred est arrivé pour ...
ALEX
Fred ?
CARMEN
Celui que tu as bousculé ce matin en sortant.
ALEX
Ah ! oui, le bellâtre ... Il s'appelle Fred ? Ca lui va bien.
CARMEN
Donc, je disais que quand Fred est arrivé pour récupérer son
parapluie ...
ALEX remarque le parapluie, que FRED a encore oublié, posé contre le mur
derrière CARMEN.
ALEX
Son parapluie ?
CARMEN
Ben oui, son parapluie.
ALEX
Donc, il est revenu pour récupérer son parapluie ?
CARMEN
Oui.
ALEX désigne le parapluie.
ALEX
Et qu'est-ce qu'il fait là, alors, son parapluie, puisqu'il
est venu le récupérer ?
CARMEN se retourne et voit le parapluie. RAPHAEL préfère s'éclipser dans le
bar.
CARMEN (rigolant)
C'est qu'il a encore dû l'oublier.
ALEX
Evidemment, l'acte manqué, par excellence.
CARMEN
Qu'est-ce que tu veux dire ?
ALEX
Il l'a oublié exprès pour revenir.
CARMEN (moqueuse)
Mais non !
ALEX
Les oublis sont toujours significatifs. Je l'ai encore lu
cette nuit dans "Le concept de répétition dans les séminaires lacaniens".
CARMEN (baillant)
Ah ! oui. Il est parfait, ce bouquin ...
pour s'endormir.
ALEX (pas très content)
Bon ... On reparlera de tout ça ce
soir, mais maintenant, il faut que je file. Je suis en train de décrocher
l'interview d'une personnalité hyper importante.
ALEX ressort par la fenêtre.
ALEX
Et méfie-toi des hommes qui ont peur de se mouiller.
Il disparaît.
14 - BAR - Int. jour. (1'45"')
Raphaèl - Sam - Carmen
La porte de sortie est ouverte. RAPHAEL parle à SAM qui se trouve sur le pas
de la porte.
RAPHAEL
Elles sont parties, les deux autres ?
SAM
Oui.
RAPHAEL (enjoué)
Vous venez boire un petit verre ?
SAM
Je ne peux pas.
RAPHAEL (fraternel)
Vous n'allez pas rester sous la pluie.
Vous allez prendre froid.
SAM
Je dois garder la porte d'entrée.
RAPHAEL
Eh bien, vous la garderez de l'intérieur. Je vais vous
préparer un petit grog.
RAPHAEL entraîne SAM près du bar et l'invite à s'asseoir sur un tabouret,
tandis qu'il se rend derrière le bar et prépare un grog qui contient plus de
rhum que d'eau. CARMEN revient de la cuisine au même moment.
RAPHAEL (faisant un clin d'oeil à CARMEN)
Tu prends un verre
avec nous ?
CARMEN (A RAPHAEL)
Volontiers (A SAM) Vous êtes toute seule
?
SAM
Madame Geneviève et la chef sont parties chez Monsieur le Maire
lui demander de fermer le café, et j'ai bien peur qu'il accepte, parce que c'est
l'ancien fiancé de la chef.
SAM avale la moitié de son grog. RAPHAEL s'empresse de rajouter du rhum.
CARMEN
Elle a été fiancée au Maire ? Remarquez, ça ne m'étonne pas.
Elle a une telle personnalité !
SAM
Ca on peut le dire.
CARMEN
Ca doit être formidable de travailler avec quelqu'un d'aussi
dynamique.
SAM
Parfois, c'est difficile. Même souvent.
CARMEN
Elle a pourtant l'air si sympathique.
SAM
Oui, elle a l'air, quand on ne le connaît pas.
CARMEN
Et alors, le maire ne l'a pas épousée ?
SAM
Non. Au dernier moment, il a manqué de courage. Heureusement
pour lui !
RAPHAEL et CARMEN se lancent un coup d'oeil étonné. SAM termine de nouveau
son verre et RAPHAEL la ressert en rhum pur.
SAM (de plus en plus éméchée)
Je ne suis pas du tout
d'accord de fermer ce café, il est tellement sympa.
Et puis, les
préservatifs, c'était vraiment une bonne idée.
SAM dépose son képi sur le bar et défait son chignon, puis s'empare de sa
guitare.
SAM
Ca manque d'ambiance, ici.
SAM entame à la guitare un rock endiablé. RAPHAEL et CARMEN, d'abord étonnés,
se mettent à danser un rock ensemble.
15 - CUISINE - Int. soir. (15")
Alex
ALEX rentre de nouveau par la fenêtre de la cuisine. S'emparant d'un couteau
de cuisine, il se dirige vers le parapluie de FRED et après avoir vérifié que
personne ne peut le voir, il approche la lame du parapluie.
16 - BAR - Int. soir (2'45")
Raphaèl - Carmen - Sam - Alex - Mme
Geneviève - La Chef - Fred - Le Brigadier.
Lorqu'ALEX entre dans le bar, juste éclairé d'un chandelier, RAPHAEL, CARMEN
et SAM sont encore en train de s'amuser : RAPHAEL joue du piano et CARMEN frappe
dans les mains, tandis que SAM chante "FEVER" en dansant langoureusement avec sa
guitare.
ALEX, paniqué, rallume la grande lampe.
ALEX
Le spectacle est terminé ! J'ai une interview avec quelqu'un
de très important, ici, dans cinq minutes.
RAPHAEL et CARMEN (ensemble)
Chut !
CARMEN éteint la lampe, RAPHAEL continue de jouer du piano et SAM monte sur
une table où, tout en continuant de chanter, elle se met à enlever la veste de
son tailleur, sous laquelle elle porte un très beau body. LA CHEF, suivie de MME
GENEVIEVE, entre dans le café. Dès que SAM aperçoit LA CHEF, elle cache son body
derrière sa veste.
LA CHEF (sidérée)
Samantha ! Vous êtes en plein délire !
SAM
Je ... Je chantais.
LA CHEF
Descendez immédiatement !
SAM descend de la table et RAPHAEL désolé cesse de jouer du piano.
LA CHEF (à RAPHAEL et CARMEN)
En plus, vous avez entraîné
Samantha ! Mais, ça ne se passera pas comme ça.
MME GENEVIEVE
Non, ça ne se passera pas comme ça !
LA CHEF
Monsieur le Maire a décidé de faire fermer définitivement
ce café. Son adjoint viendra le faire officiellement d'un instant à l'autre.
SAM renfile sa veste à contrecoeur. FRED entre dans le bar suivi du
BRIGADIER. ALEX s'énerve à la vue de son rival.
FRED
Eh bien justement, je suis Frédéric ROY, premier adjoint au
Maire, et celui-ci m'a demandé de vous faire part du message suivant.
FRED déplie un papier. CARMEN, RAPHAEL et SAM sont inquiets. LA CHEF et MME
GENEVIEVE sourient.
FRED (lisant le papier)
"Après enquête, je déclare le Pôle
sud, avec son distributeur de préservatifs ... café modèle. Je félicite les
jeunes patrons de leur initiative et leur souhaite bonne continuation".
CARMEN, RAPHAEL et SAM poussent des cris de joie. MME GENEVIEVE et LA CHEF
sont ahuries. ALEX va serrer la main à FRED, en souriant.
ALEX (se présentant)
Alex DELVAUX, reporter au journal
"L'après-midi". Je crois que nous avons rendez-vous pour une interview.
FRED (enchanté)
Ah ! C'est vous ! En effet, nous avons
rendez-vous.
L'attention de FRED est attirée par la querelle qui naît entre LA CHEF et
SAM.
SAM
Non, cette fois-ci, il n'est pas question que je vous suive.
LA CHEF
Vous me devez le respect et je vous ordonne de venir avec
nous.
SAM
Eh bien, je démissionne, Madame !
LA CHEF
Je refuse votre démission, Samantha. Suivez-moi !
FRED s'est approché.
RAPHAEL (à la CHEF)
Voyons Madame, puisqu'elle vous dit
qu'elle veut rester avec nous.
LA CHEF
Elle ne sait pas ce qu'elle dit. Elle est complètement
saoule.
FRED
Elle est assez grande pour savoir ce qu'elle doit faire.
LA CHEF (soupir excédé)
Bon ... Puisque tout le monde est
contre nous.
LA CHEF sort vexée. MME GENEVIEVE vexée également, sort aussi. Le BRIGADIER
sort à son tour en faisant un signe.
LE BRIGADIER
Félicitations, les jeunes !
ALEX (à FRED)
On va faire l'interview dans la cuisine ?
FRED
Entendu. Je vous suis.
ALEX et FRED se dirigent dans la cuisine. CARMEN les suit.
RAPHAEL (à SAM, assise à une table)
Un petit remontant ?
SAM
Volontiers. Ces émotions m'ont donné soif.
17 - CUISINE - Int. nuit. (1'15)
Carmen - Fred - Alex
Tandis que CARMEN, debout, prépare le dîner (un plateau de fromage et du
pain), ALEX termine d'interviewer FRED. Ils sont assis à la table de la cuisine.
ALEX prend des notes.
FRED
... et nous allons donc inciter tous les cafés de la ville à
disposer d'un distributeur gratuit de préservatifs.
ALEX
De quelle manière allez-vous procéder ?
La plupart risquent
d'être réticents.
FRED
Justement, je compte organiser un concours du distributeur le
plus original. Tous les participants recevront un prix ... et - entre nous - je
pense que le POLE-SUD a toutes les chances de recevoir le premier.
CARMEN
C'est RAPHAEL qui va être content.
ALEX
Voilà, pour l'interview. Je vous remercie. Je pense que cela
fera un très bon article. (Il tend une carte de visite à FRED). Je vous laisse
ma carte. A l'avenir, lorsque vous aurez encore des projets, vous pourrez me
contacter directement.
FRED (se levant)
Merci beaucoup. Je n'y manquerai pas.
ALEX et FRED se serrent la main.
CARMEN (à FRED)
Vous désirez manger avec nous ?
FRED
C'est avec regret que je dois refuser, mais (faisant un
geste vers le bar) j'ai invité la petite à dîner.
ALEX
Quelle petite ?
FRED
Sam, la guitariste.
CARMEN (amusée)
Vous avez bien fait. Passez une bonne
soirée. Et n'oubliez pas votre parapluie, cette fois-ci.
A cette phrase, ALEX, tire une tête déconfite.
FRED
Non, non. Pas de danger, il pleut à verse.
FRED prend son parapluie et se dirige vers le bar.
18 - BAR - Int. nuit. (2'30")
Raphaèl - Sam - Fred - Alex -
Carmen
Lorsque FRED arrive dans le bar, suivi d'ALEX et CARMEN, SAM et RAPHAEL, qui
ont remis de l'ordre dans le bar sont en train de ramasser les préservatifs.
FRED (à SAM)
Vous êtes prête ?
RAPHAEL
Prête pour quoi ?
SAM
Pour goûter son Strogonof, une recette spéciale à ce qu'il
paraît.
RAPHAEL (un peu déçu)
Ah bon. Et bien ... bonne soirée.
FRED et SAM se dirigent vers la sortie. Sur le pas de la porte, FRED ouvre
son parapluie, qui est complètement troué. SAM éclate de rire. ALEX est
embarrassé.
FRED (à SAM)
Il n'était pas troué, ce matin. Je vous assure.
SAM
C'est bizarre. Mais ce n'est pas grave : j'adore la pluie.
FRED (refermant son parapluie)
Moi aussi, tous comptes
faits.
SAM et FRED s'en vont sous le regard soulagé d'ALEX.
ALEX
Moi, je monte. Il faut absolument que j'aie terminé de rédiger
mon article ce soir, ou le rédac chef va être furieux. (A CARMEN) Tu
viens avec moi ? T'auras qu'à lire ce merveilleux livre dont je t'ai parlé.
CARMEN
Ah oui ! Le soporifique.
ALEX
Non ! Le concept de répétition dans les sémi...
CARMEN
Oui, c'est bien ce que je disais.
ALEX fronce les sourcils. CARMEN le suit vers la porte des étages.
A ce
moment là, RAPHAEL revient de la cuisine avec le plateau à fromage et trois
assiettes.
RAPHAEL(surpris)
Vous ne mangez pas avec moi ?
CARMEN
Non, on va dormir.
RAPHAEL(déçu)< br> Bonne nuit.
CARMEN et ALEX montent. RAPHAEL s'assied à une table en face du mannequin.
RAPHAEL (au mannequin)
On mange à nous deux, alors ?
On frappe à la porte d'entrée. RAPHAEL va ouvrir.
RAPHAEL
Qui cela peut-il être, à cette heure-ci ?
RAPHAEL ouvre la porte et aperçoit MME GENEVIEVE.
MME GENEVIEVE (timidement)
Je peux entrer ?
RAPHAEL (sec)
Ouais !
MME GENEVIEVE
Je suis désolé de ce qui s'est passé aujourd'hui. Je
ne sais pas ce qui m'a pris.
RAPHAEL
Moi non plus.
MME GENEVIEVE (les larmes aux yeux)
C'était le mannequin de
ma mère, lorsqu'elle était modiste, pour nous nourrir.
Elle était tellement
courageuse et tellement droite, ma mère. Ce mannequin, c'est tout ce qu'elle m'a
laissé.
Alors, vous comprenez, quand j'ai vu l'usage que vous en aviez fait,
j'ai repensé à ma mère, et je suis sûre qu'elle n'aurait pas compris.
Alors,
ça m'a mise dans une de ces colères, et puis, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je
ne pouvais plus me contrôler.
RAPHAEL (touché)
Mais vous auriez dû le dire, Madame
Geneviève.
Si j'avais su ...
MME GENEVIEVE (pleurant)
Je sais que si je vous l'avais dit,
vous auriez compris. Mais soudainement, j'ai vu rouge, et puis voilà. Et dire
que j'ai failli faire fermer votre café.
Je suis désolée.
RAPHAEL (lui tendant une serviette)
Allons, Madame
Geneviève, calmez-vous.
Vous ne savez pas ce qu'on va faire ?
MME GENEVIEVE
Non.
RAPHAEL
On va habiller le mannequin, et c'est vous qui choisirez la
robe.
MME GENEVIEVE (a cessé de pleurer)
D'accord.
RAPHAEL
Et puis, on mettra des vrais bonbons dans l'assiette.
Et
le distributeur de préservatifs, on le mettra dans les toilettes.
C'est
Carmen qui va être contente.
MME GENEVIEVE (retrouvant le sourire)
Vous êtes vraiment
charmant Raphaèl.
RAPHAEL
N'est-ce pas ?
On s'y met tout de suite ?
MME GENEVIEVE
D'accord.
RAPHAEL
Et après, vous accepterez bien de manger avec moi ?
MME GENEVIEVE
Formidable !
RAPHAEL
Je savais bien que je pouvais compter sur vous, Madame
GENEVIEVE.
MME GENEVIEVE et RAPHAEL se dirigent, bras dessus, bras dessous, vers le
mannequin.
FIN
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